Intervention de Patrice Torres

Réunion du jeudi 8 mars 2018 à 10h00
Commission d'enquête sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires

Patrice Torres, directeur des centres industriels de l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA) :

Si tous les colis que les producteurs nous expédient font l'objet d'un contrôle portant sur la contamination surfacique et le débit de dose, nous en prélevons certains auxquels nous faisons subir un contrôle poussé – on parle parfois de « super-contrôle ». Ce contrôle se fait en pratiquant un carottage dans un fût en béton, ce qui permet d'obtenir un échantillon que nous pouvons analyser. Les colis reçus au centre de stockage de l'Aube se répartissent en une quinzaine de types, mais il faut savoir qu'un colis contient en moyenne 30 % de déchets et 70 % d'autres matières – généralement un liant constitué de ciment ou de béton, que l'on appelle la matrice.

Les analyses que nous effectuons sur les carottes sont des mesures d'activité, de tenue physique, et de qualité du béton. Un autre équipement va nous permettre de réaliser des inventaires : quand nous recevons des colis sans matrice, nous en sortons tous les déchets un par un afin de vérifier que nos spécifications d'acceptation ont bien été respectées et que les déclarations des producteurs sont exactes – c'est ainsi que nous mettons en présence une source, par exemple un détecteur ionique de fumée. Nous disposons également d'un équipement de radiographie à haute efficacité, similaire à ceux qui équipent les salles d'embarquement des aéroports : cela nous permet de visualiser le contenu des fûts sans les détruire et, avec un peu d'expérience, de détecter la présence de liquides – interdite dans les colis de déchets – ainsi que certaines formes de déchets que nous ne souhaitons pas passer à la presse à compacter ; auquel cas, nous n'ouvrons le fût pour vérifier son contenu.

Nous possédons des installations de dégazage, qui sont des cloches équipées de dispositifs permettant de mesurer le taux de dégazage, en particulier du tritium et du carbone 14, qui peuvent se dégager de certains colis. Enfin, nous disposons également d'un équipement de spectrométrie qui permet de mesurer les différents radioéléments présents dans un colis et leur niveau d'activité : il s'agit en fait de vérifier les informations que les producteurs se doivent de nous fournir en procédant eux-mêmes à des mesures.

Il y a encore quelques années, nous réalisions la plupart de nos analyses en utilisant les installations du CEA ou d'autres opérateurs privés. L'avis récemment publié par l'IRSN au sujet du contrôle de colis de l'Aube ne nous permet pas de procéder directement à sa mise en service : il est d'abord destiné à l'Autorité de sûreté nucléaire qui, sur son fondement et en tenant compte également de la documentation que nous avons fournie, délivrera ou non l'autorisation de mise en service. Cela dit, nous savons déjà que nous l'obtiendrons : nous travaillons depuis près de quatre ans sur ce projet important pour la sûreté et les réserves émises par l'IRSN ne portent que sur un point bien particulier.

Il faut savoir que l'installation comprend des équipements de détection et d'extinction automatique d'incendie qui, à l'origine, n'étaient pas dimensionnés à la tenue aux séismes : si les bâtiments étaient conçus pour résister à un séisme, ces équipements, eux, ne l'étaient pas, car les règles d'alors ne l'exigeaient pas. En cours de projet, l'Autorité de sûreté nucléaire et l'IRSN nous ont dit qu'ils souhaitaient que cet équipement soit dimensionné aux séismes – à moins que nous ne trouvions une solution pour qu'il ne puisse y avoir de départs de feu. Il se trouve qu'il était très compliqué de dimensionner tous ces équipements à la tenue aux séismes. Nous avons donc choisi de retirer toutes les sources potentielles de départs de feu à l'intérieur de l'équipement de l'installation de contrôle de colis (ICC), les seules sources restantes étant des sources électriques – mais nous avons fait en sorte qu'en cas de séisme, les détecteurs coupent instantanément l'alimentation électrique. Le délai s'estime en micro-secondes, et c'est précisément sur ces points que portent les demandes de précisions de l'IRSN : il veut connaître le délai exact et le type de capteurs mis en place. Nous avons indiqué que nous placerions trois capteurs afin d'éviter un déclenchement intempestif du dispositif de coupure, mais l'IRSN veut également des précisions sur la profondeur et la vitesse de propagation des ondes des capteurs.

Nous serons autorisés à mettre en service dans maintenant moins de deux semaines et demie par l'ASN, étant précisé que cette autorisation de mise en service nous permettra seulement pour l'instant de procéder à des « essais à chaud », autrement dit avec des colis radioactifs, alors que pour le moment, nous n'avons fait que des essais de bon fonctionnement sans radioactivité. Tout le programme de contrôle qui sera réalisé au cours de l'année 2018 correspondra aux essais à chaud ; ce n'est qu'à partir de 2019 que nous pourrons mettre en oeuvre notre programme annuel de contrôle et de surveillance.

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