Intervention de Amiral Christophe Prazuck

Réunion du mercredi 14 février 2018 à 9h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Amiral Christophe Prazuck, chef d'état-major de la marine :

Aujourd'hui, la rémunération des sous-mariniers, comme de tous les militaires, ne dépend pas seulement de leur grade. Elle est composée d'une partie indiciaire, qui dépend du grade et de l'ancienneté, et d'une partie indemnitaire liée à d'autres éléments comme l'activité – par exemple, lorsque vous participez à une opération extérieure (OPEX) – ou les compétences – les techniciens supérieurs accèdent ainsi à l'échelle 4.

À mon sens, notre système de rémunération pèche avant tout en ce qu'il est illisible du fait de la sédimentation d'indemnités dont certaines, anciennes de plusieurs décennies, ne correspondent plus aux besoins actuels. Ce système est aussi extrêmement rigide. Il est par exemple possible de verser une prime de fidélisation que, dans notre jargon inimitable, nous appelons prime réversible de compétence à fidéliser (PRCF). En échange de celles-ci, le marin s'engage à rester en service pendant trois ou quatre ans selon le montant versé. En général, les marins estiment que ce montant n'est pas suffisant, et ils préfèrent conserver la liberté de saisir une opportunité qui se présenterait dans le civil. J'ai donc demandé, à enveloppe constante, à pouvoir donner plus à ceux que nous voulons retenir, ceux dont nous avons vraiment besoin, sur lesquels nous avons investi, tout en maintenant le montant de l'enveloppe globale des PRCF. On m'a répondu que c'était impossible !

Je pense que la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM) doit traiter ce genre de problème. Si nous voulons des cybercombattants, des spécialistes du nucléaire, des profils très recherchés dans le reste de l'industrie, si nous investissons durant des années pour former un chef de mission commando, il faut nous donner les moyens de les conserver à bord.

Qu'est-ce que le bon moral d'un marin ? Le sens de la mission est un élément très important du moral du marin : il faut qu'il se sente utile. La plupart des militaires n'ont aujourd'hui aucun doute sur l'utilité de leur action. Le marin heureux est un marin qui navigue. J'ai cependant un problème en termes de prévisibilité des missions. Le marin qui passe cinq mois dans l'océan Indien et intercepte des trafiquants d'héroïne, qui travaillent au profit des Taliban ou de Daech, sait que son action est utile à la défense du pays et des Français. Il navigue, il agit et il est utile : tout cela rend le marin heureux. Ce qui est plus difficile pour lui, c'est de partir quatre mois avec quatre jours de préavis. De mon côté, je dois donc mieux remplir ma part du contrat, en particulier pour améliorer la prévisibilité de son activité. Il s'agit de l'un des points sur lesquels je dois travailler dans la prochaine LPM avec les marges de manoeuvre que je parviendrai à dégager.

Les infrastructures à terre permettent-elles d'accueillir le Barracuda et les FREMM ? Oui, ce sera possible. Les travaux effectués sont notamment destinés à rendre possible l'accueil des sous-marins nucléaires d'attaque. Il s'agit de remettre à neuf les installations toulonnaises, en particulier les bassins construits au XIXe siècle où ces sous-marins sont entretenus. Il faut désormais qu'ils soient aux normes post-Fukushima.

Pour les infrastructures nécessaires aux nouveaux bâtiments, je sais que les choses sont sur les rails. Elles sont en cours s'agissant de l'infrastructure des bases navales : réseaux d'adduction d'eau, réseaux électriques… Je suis aussi particulièrement attentif à la question de l'hébergement des marins. Tout ne se résoudra pas en la matière d'un coup de baguette magique. J'ai fait l'inventaire des besoins, et il faut que je planifie les choses afin que les marins soient hébergés correctement, qu'ils disposent d'un accès wifi, et qu'ils aient envie de rester dans la marine. Je serai particulièrement attentif à ce sujet dans les années qui viennent.

Quels sont nos points critiques ? Pour moi, le point critique, c'est le combat. C'est mon leitmotiv ! Un jour, un missile sera tiré sur un bâtiment de combat français : cette éventualité est de plus en plus proche. Ce jour-là, cette frégate sera bien équipée, bien entraînée, bien commandée. Elle disposera des outils de la guerre électronique, de ceux de l'intelligence artificielle qui lui auront permis de détecter une anomalie, des radars qui localiseront le missile attaquant du plus loin possible, et ses missiles antimissiles seront prêts, dans leur silo, pour intercepter le missile tiré contre elle. Il s'agit de l'événement le plus critique auquel je prépare les marins, les bâtiments de combat et la marine de manière générale.

Nous disposons de quarante-deux Rafale. J'en ai déployé vingt-quatre sur le Charles-de-Gaulle. Je peux en déployer jusqu'à trente en engagement majeur. Je dispose d'un nombre de pilotes limité – la marine compte une cinquantaine de pilotes confirmés. Je ne pourrai augmenter le nombre d'avions que si j'augmente le nombre de pilotes. Le renouvellement de ces avions débutera en 2030, et nous commencerons à en discuter en 2025.

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