Intervention de Éric Woerth

Séance en hémicycle du mardi 20 mars 2018 à 15h00
Programmation militaire pour les années 2019 à 2025 — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Woerth, président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Monsieur le président, madame la ministre des armées, madame la secrétaire d'État, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, monsieur le rapporteur, madame et messieurs les rapporteurs pour avis, chers collègues, l'indépendance de la France, sa souveraineté et sa capacité à défendre ses intérêts vitaux et ses ressortissants reposent évidemment sur nos forces armées. Notre force militaire est en effet le premier pilier de l'État régalien. Si ce projet de programmation aurait en définitive pu, du début jusqu'à la fin, l'affirmer sans ambiguïté, il pose à mon sens de sérieux problèmes, tant sur le plan de la méthode que sur le fond.

Le Gouvernement fait preuve d'une certaine opacité, d'un manque de sincérité dans sa présentation. Au-delà même de son contenu, la loi de programmation est un pacte avec le monde militaire qui ne saurait être ambigu ; et pourtant, il l'est.

Au-delà de son contenu, qui n'est pas mon sujet, commençons par l'objectif emblématique – un peu comptable, il est vrai – de parvenir à porter l'effort de défense à 2 % du PIB en 2025. Il est sujet à caution. Très simplement, ce ratio s'obtient en divisant les dépenses de défense par le PIB en valeur. Je déplore le manque de clarté de vos documents concernant ces deux grandeurs.

S'agissant du PIB tout d'abord, aucun de vos tableaux ne présente les hypothèses de son évolution en valeur entre 2019 et 2025 : elles ne figurent nulle part. Pour fixer l'objectif de dépenses à 2 % du PIB, encore faudrait-il connaître l'évolution de la valeur de ce dernier au cours de cette période et l'afficher clairement. D'ailleurs, avez-vous actualisé les hypothèses de croissance du PIB à la suite de sa récente réévaluation ? C'est un sujet de préoccupation. Le PIB pour 2017 étant meilleur que prévu, cela doit en effet conduire, sur l'ensemble de la période, à revoir à la hausse les hypothèses de croissance du PIB, et donc les hypothèses de dépenses en matière de défense.

De même, au-delà de ce problème lié au PIB en valeur, le flou règne s'agissant du champ de dépenses pris en compte. Vous jouez sur l'inclusion ou non des contributions du compte d'affectation spéciale « Pensions » dans le calcul de cet objectif des 2 % du PIB. C'est un point crucial, ces dépenses représentant entre 8 milliards et 10 milliards d'euros par an sur la période. Dans l'exposé des motifs de votre projet de loi, vous maintenez l'ambiguïté : « Hors compte d'affectation spéciale (CAS) pensions, les crédits budgétaires de la mission "Défense" s'élèveront à 35,9 milliards d'euros en 2019, soit un effort de défense représentant 1,84 % du PIB, avant d'atteindre 44 milliards d'euros en 2023, soit 1,91 % du PIB. » Vous nous incitez donc à penser que les objectifs exprimés en pourcentage du PIB le sont hors CAS « Pensions ». Or c'est trompeur, pour nos militaires comme pour les parlementaires : en réalité, si l'on exclut les contributions à ce CAS, les dépenses des armées s'élèveraient en 2025 à seulement 1,7 % du PIB, et non à 2 % !

L'on voit donc bien la fragilité de la méthodologie utilisée pour atteindre cet objectif de 2 %.

En outre, les deux tiers de l'effort sont reportés à l'après-2022 : les crédits de la mission augmentent en effet à hauteur de 1,7 milliard d'euros par an jusqu'en 2022, puis à hauteur de 3 milliards d'euros par an entre 2023 et 2025. Curieusement, la taille de la marche à gravir augmente considérablement après l'élection présidentielle.

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