Intervention de Bastien Lachaud

Séance en hémicycle du mardi 20 mars 2018 à 21h30
Programmation militaire pour les années 2019 à 2025 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBastien Lachaud :

Madame la présidente, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, ce projet de loi de programmation militaire dessine la trajectoire budgétaire pour nos armées de l'année 2019 à l'année 2025. L'enjeu est donc immense et cette loi est désolante.

Elle est désolante parce qu'elle est sans idées.

Elle est désolante parce qu'elle est dans la continuité des précédentes.

Elle est désolante parce qu'on a pensé les chiffres avant de penser la doctrine et les besoins.

Elle est désolante parce qu'au lieu de préparer l'avenir, elle répare à peine le passé.

D'abord, cette loi n'est pas l'oeuvre collective que le sujet exige. La Nation entière est intéressée, mais sur ces grands sujets, les décisions ont été prises par un seul homme.

L'objectif de monter le budget à 2 % du PIB à l'horizon 2025 a été validé le premier. Qu'il n'ait aucune signification militaire en soi n'aura rien changé. Pour se plier aux injonctions de l'OTAN etou disposer d'un élément de communication facile, la décision a vite été prise. Pourtant, nous n'arrêterons pas de le répéter : la doctrine devrait être première et les moyens définis en fonction d'elle, et non l'inverse.

Le Président de la République a réglé la question de la dissuasion nucléaire dès la préface de la revue stratégique de sécurité et de défense. Il a tranché seul en faveur du renouvellement des deux composantes, aérienne et océanique. Dorénavant, ce sera comme auparavant.

En l'occurrence, reconduire le statu quo représente une dépense de 25 milliards, voire, d'après certains, de 37 milliards. Voici pourquoi la hausse budgétaire revendiquée n'aura pas lieu. Une telle décision nous engage pour au moins soixante ans dans une stratégie qui peut s'avérer obsolète dans quinze ! Passe encore si elle était urgente ou incontestable, mais le débat est loin d'être clos parmi les spécialistes. D'ailleurs, on s'est bien gardé de nous les faire entendre.

On s'est également gardé de mettre cette décision en perspective avec les évolutions du monde. Les avancées technologiques des grandes puissances pourraient remettre en question la pertinence de la dissuasion à moyen terme. Notre doctrine a été mise à mal par l'installation du bouclier antimissile étasunien acceptée par François Hollande. Donald Trump a affiché sa volonté de développer des armes nucléaires tactiques. Face à cette situation, comment préserver notre sécurité sans participer à la surenchère et relancer une désastreuse course à l'armement ? Personne ne prétend qu'il y ait des réponses faciles à ces questions. Encore faut-il accepter de les poser.

Mais non, le Président privilégie les effets d'annonce. Son objectif ? Mme la ministre l'a rappelé : être la deuxième puissance militaire du monde libre – derrière les États-Unis, faut-il le préciser ? C'est penser dans les termes de la guerre froide. C'est avoir au moins trente ans de retard.

Ce genre de slogan ne permet vraiment pas de penser sereinement notre défense. Il garantit au contraire qu'on va s'en tenir aux vieux fétiches de la puissance et aux vieilles lunes, absurdes et dangereuses, de la théorie du choc des civilisations.

Et c'est bien le cas : cette LPM fait tout pour que la France soit le bon élève de l'OTAN.

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