Intervention de Bastien Lachaud

Séance en hémicycle du jeudi 22 mars 2018 à 9h30
Réforme du droit des contrats du régime général et de la preuve des obligations — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBastien Lachaud :

Madame la présidente, madame la garde des sceaux, chers collègues, il faut le dire, cette réforme du droit des contrats était attendue depuis longtemps, tant par les professionnels que par les étudiants. En effet, la matière était devenue, en raison d'une jurisprudence foisonnante, inutilement complexe.

L'enjeu politique de la réforme du droit des contrats réside dans l'équilibre à trouver entre l'impératif de justice du contrat, qui, nous le pensons, implique une plus grande intervention du juge, et l'autonomie contractuelle, qui justifierait le maintien de situations injustes au nom de la sécurité juridique. Nous déplorons que la réforme d'une matière aussi importante ait été opérée par ordonnance et qu'elle n'ait pas été soumise au débat devant la représentation nationale avant son entrée en vigueur.

L'ordonnance a toutefois le mérite de clarifier l'état du droit existant par une recodification plus cohérente et une codification de jurisprudences installées. Par exemple, le devoir de bonne foi de la négociation à l'exécution du contrat est désormais reconnu dans la loi. L'obligation générale d'informations à fournir préalablement à la constitution du contrat figure elle aussi dorénavant dans la loi. Nous pensons qu'il s'agit d'une bonne chose.

Dans sa rédaction initiale, l'ordonnance rompt, s'agissant de la révision judiciaire du contrat pour imprévision, avec une jurisprudence établie depuis cent quarante ans. Ainsi, lorsqu'un changement de circonstances rend l'exécution du contrat trop onéreuse pour l'une des parties, le juge peut réviser le contrat. De la même manière, le droit commun consacre la catégorie des contrats d'adhésion et les assortit d'une protection de la partie faible au contrat.

Toutefois, le texte, dans sa forme actuelle, comporte aussi des reculs ou des prises de risque auxquels nous nous opposons. Le Sénat a ainsi lancé sur l'imprévision, notamment sur les actions interrogatoires, une véritable offensive libérale, au sens du droit – selon cette conception, qui n'est pas la nôtre, les gens seraient libres d'établir des contrats, le rapport social ne devant pas être pris en compte et le juge ne devant pas intervenir sur le fond lorsqu'il statue sur le respect du contrat. Mais si le Sénat a fait le choix politique de réduire le droit des contrats à un banal instrument au service de la compétitivité des droits, la commission mixte paritaire a globalement su résister à l'offensive libérale.

Au cours de la discussion du projet de loi, nous vous avions proposé d'innover et de renforcer la justice dans les relations contractuelles.

Première innovation : introduire une liste non limitative de dispositions qui relèveraient du domaine de l'ordre public, préservant ainsi les pouvoirs du juge. Les rédacteurs de l'ordonnance se sont posé la question, mais ils ont finalement renoncé à cette réforme, ce qui est bien dommage. Renforcer et consolider l'ordre public tout en laissant au juge un pouvoir d'appréciation nous paraît toujours aussi nécessaire.

La deuxième innovation – vous reconnaîtrez là une des batailles que nous menons dans le cadre du projet de loi de finances et du projet de loi de finances rectificative – serait d'armer notre droit, dans tous les domaines, contre l'évasion fiscale, la fraude fiscale et l'optimisation fiscale abusive, en introduisant la notion d'abus de droit fiscal dans le droit commun. Concrètement, quand le non-paiement de l'impôt atteint des montants aussi considérables que ceux révélés par les Panama Papers, les Paradise papers ou les LuxLeaks, cela veut dire que notre droit n'est pas assez armé pour faire respecter la règle républicaine fondamentale qu'est la contribution à l'effort commun, le consentement à l'impôt. Jusqu'au rétablissement de l'ordre fiscal républicain, il faut sans relâche légiférer partout où cela peut être utile. Il faut agir. Cela aussi, vous l'avez refusé.

Enfin, nous avions proposé de renforcer la justice dans les relations contractuelles en rétablissant cet outil au service du juge qu'est la cause du contrat – raison pour laquelle deux parties contractualisent – et de l'obligation. Nous nous félicitons que les fonctions de la notion de cause soient consacrées et codifiées par l'ordonnance. Cependant, nous pensons que cette notion doit rester littéralement dans notre droit pour que le juge dispose d'un instrument malléable de régulation des équilibres contractuels. Le droit des contrats se trouve confronté à des situations qui évoluent en même temps que la société, et il est préférable de maintenir la cause dans notre code civil.

Le texte de la commission mixte paritaire, en dépit du fait qu'il n'ait pas retenu nos propositions, va toutefois dans le bon sens. Nous voterons donc en sa faveur.

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