Intervention de Jean-Baptiste Lemoyne

Réunion du mercredi 22 novembre 2017 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères :

Il ne m'a pas échappé que la Constitution permet au Parlement d'apprécier le caractère complet ou non des études d'impact. Or, il est de l'intérêt rationnel de tous les acteurs en présence que l'étude d'impact en question soit solide, étayée, vérifiable, et que le Parlement dispose de tous les éléments nécessaires pour se prononcer. Nous pouvons certainement envisager une réunion ad hoc avec la commission ou son bureau pour déterminer quels sont les éléments que vous jugez nécessaire d'intégrer noir sur blanc dans l'étude d'impact, mais il nous faut pour cela une liste très précise de vos souhaits afin que le Gouvernement en tienne le plus grand compte. Il lui appartiendra en effet de réaliser cette étude d'impact, dont le Parlement appréciera la substance. En ce qui me concerne, je suis résolu à prendre en compte toutes les demandes que vous formulerez en termes quantitatifs et qualitatifs.

M. Maire a évoqué l'obligation de résultat concernant les mesures unilatérales : nous sommes bien conscients, en effet, que si nous souhaitons compléter le CETA par un plan d'action, vous nous jugerez et voterez à l'aune des résultats obtenus. Là encore, je suis tout à fait favorable à la transmission formelle, par exemple à chaque trimestre, d'un courrier présentant l'état d'avancement des différents points du plan d'action sous forme de tableau, afin que vous constatiez si nous avançons ou non et pourquoi, le cas échéant, certaines questions demeurent non résolues.

Plus généralement, M. Dumont évoquait la nécessité d'un véritable débat au-delà de la seule enceinte de la commission : je me tiens à l'entière disposition de l'Assemblée nationale si vous souhaitez qu'un débat se tienne dans l'hémicycle, ce qui permettra peut-être de mieux éclairer les citoyens.

L'utilisation de la ractopamine est interdite dans l'Union européenne – et son importation l'est donc également. Je ne m'inquiète guère d'une invasion subite, par dizaines de milliers de tonnes, du boeuf canadien sur le territoire européen, car le Canada n'est pas outillé pour exporter des produits de ce secteur respectant les normes environnementales et sanitaires européennes. Sur les 15 000 tonnes de viande bovine que le Canada était autorisé à exporter avant même la conclusion du CETA, il n'en exportait que 425 tonnes ; c'est dire combien il est loin de saturer ses quotas, pour la bonne et simple raison qu'il ne dispose pas des filières adaptées. Selon moi, il n'est pas près de créer ces filières au motif qu'un nouveau marché s'ouvrirait. Quoi qu'il en soit, tous les contrôles de traçabilité sont effectués. Des audits ont été conduits en 2016 et nous en avons demandé le renouvellement en 2018 ; ils attestent que le Canada respecte scrupuleusement les normes européennes en matière d'exportation de viande. J'ai répondu du même coup à la question de M. Naegelen sur les contrôles.

M. Le Foll a raison : la reconnaissance dans l'accord des indications géographiques protégées constitue un précédent que nous souhaitons utiliser pour d'autres accords futurs. Nous aurions tort de passer cet élément important par pertes et profits. Par ailleurs, il va de soi qu'il faut continuer de faire vivre l'enceinte de l'OMC, l'idéal étant de conclure des accords dans ce cadre. Enfin, je vous remercie d'avoir rappelé que dès lors qu'un produit est interdit sur le territoire européen, il est hors de question d'accepter son importation, comme c'est le cas des hormones de croissance.

Mme Autain parle de « chèque en blanc aux entreprises multinationales » ; je pense au contraire que cet accord offre des possibilités à d'innombrables PME et entreprises de taille intermédiaire (ETI) françaises. La pédagogie, à cet égard, est un enjeu important : il ne sert à rien de signer des accords qui demeureraient des tigres de papier. Nous devons informer, sur tous les territoires, des nouvelles possibilités qui s'ouvrent aux filières, qu'il s'agisse du lait et du fromage ou de l'accès aux marchés publics, par exemple.

Vous évoquez la possibilité qu'auraient les tribunaux arbitraux de condamner des États. Je rappelle que le format du tribunal arbitral n'est plus d'actualité : plutôt que des arbitres désignés pour statuer litige par litige, la cour est désormais composée de quinze juges désignés pour cinq ans. Ce sont les prémisses d'une cour internationale des investissements. Il a été tenu compte, à l'évidence, des critiques formulées depuis quelques années.

S'agissant de l'application provisoire du traité et de la souveraineté des États, je rappelle que si l'accord est soumis à ratification, c'est précisément parce que la partie liée aux investissements relève de la compétence nationale. Sur le volet commercial, en revanche, la France a consenti voici déjà plusieurs années à ce transfert de compétence et c'est donc l'Union européenne qui négocie. L'application provisoire ne porte que sur cette partie ; le volet relatif aux investissements n'entrera pas en vigueur tant que les parlements nationaux n'auront pas ratifié le traité. Il n'y a donc aucun déni de démocratie dès lors que la compétence commerciale a été transférée à l'Union européenne. Cela signifie que l'élaboration de ces accords doit faire l'objet d'une communication transparente de la Commission envers les États membres et les citoyens. On ne peut néanmoins invoquer un problème de souveraineté dans la mesure où le peuple français souverain a déjà consenti à des délégations de compétences. Nous estimons en effet que nous sommes parfois plus forts ensemble.

Enfin, M. Lecoq nous dit que rien n'est amendable : certes, l'accord est ce qu'il est, mais il est vivant et peut donner lieu à des déclarations interprétatives conjointes. De ce point de vue, nous avons reçu un bon accueil de la Commission et du Canada, d'où notre engagement – qui n'est pas pris à la légère, mais parce que nous nous estimons capables de mettre en place des outils juridiquement contraignants de ce type. Loin de nous résoudre à une application simple et mécanique, nous entendons tirer parti de toutes les marges de manoeuvre existantes dans le cadre de la réunion des différents comités et commissions qui sont prévus.

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