Intervention de Dominique Minière

Réunion du jeudi 15 mars 2018 à 10h15
Commission d'enquête sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires

Dominique Minière, directeur du parc nucléaire et thermique d'EDF :

Dans le cadre du plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs (PNGMDR) pour 2016-2018, l'ASN et la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) ont demandé à EDF de proposer une solution visant à disposer de nouvelles capacités d'entreposage de combustibles usés à l'horizon 2025-2035. En effet, de nouvelles capacités d'entreposage seront nécessaires vers 2030, quel que soit le scénario retenu dans la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE). Ces capacités permettront d'entreposer les matières concernées jusqu'à leur réutilisation dans de futurs réacteurs ou, si cette option industrielle n'est pas confirmée, jusqu'à leur stockage définitif dans Cigéo. Sur le plan financier, c'est le scénario prudent de non-réutilisation qui a été provisionné dans les comptes d'EDF.

EDF travaille actuellement à la conception d'une piscine d'entreposage correspondant aux exigences de la troisième génération ; le dossier d'options de sûreté concernant cette installation a été transmis à l'ASN en avril 2017. Seraient stockés dans cette piscine les assemblages MOX usés ainsi que les assemblages d'uranium de retraitement enrichi (URE) usés issus du retraitement. Précisons que le retraitement permet grosso modo de réduire d'un facteur 25 les déchets finaux directement issus des combustibles usés et d'isoler quelque 95 % de l'uranium de retraitement de 4 % de déchets destinés à être vitrifiés et de 1 % de plutonium. Le plutonium est réutilisé dans les assemblages MOX. Quant aux 95 % d'uranium de retraitement, ils ont un temps été utilisés pour produire de l'uranium enrichi sur les réacteurs de Cruas, mais cette opération a été interrompue au début des années 2010 ; nous nous apprêtons à la relancer dans le cadre de plusieurs contrats en cours de conclusion.

Il existe dans le monde trois grandes familles de méthodes d'entreposage à sec. Les deux premières consistent soit en silos horizontaux, soit en emballages métalliques massifs : ce sont les plus répandues, aux États-Unis notamment. Sur le plan de la sécurité, il faut garder à l'esprit le fait que les silos et emballages sont placés en surface et à l'air libre, souvent sur des sortes d'aires de stationnement proches des centrales – ce qui ne semble guère apporter de garanties supplémentaires par rapport à l'entreposage sous eau, loin s'en faut : le président de l'ASN l'a d'ailleurs souligné lors de son audition.

Sur le plan de la sûreté, le combustible usé, quel que soit l'endroit où l'on se trouve dans le monde, doit d'abord être entreposé sous eau suffisamment longtemps pour réduire sa puissance résiduelle avant de pouvoir, le cas échéant, être entreposé à sec, car il est alors moins bien refroidi, dans la mesure où ce n'est pas l'assemblage lui-même qui est refroidi mais la coquille dans laquelle il est enfermé. Autrement dit, si la solution de l'entreposage à sec était retenue, comme l'a prôné ici même Yves Marignac, il faudrait laisser les assemblages d'uranium entre cinq et sept ans dans les piscines avant de pouvoir les entreposer à sec, et même pendant vingt ans pour les combustibles MOX. Pour ce faire, les exploitants qui utilisent cette pratique ont augmenté, via une opération dite de « rerackage », l'entreposage en piscine combustible sur chaque réacteur : sans changer le volume de piscines, ils ont réorganisé les racks afin d'entreposer davantage d'assemblages combustibles sous eau en attendant de pouvoir les entreposer à sec.

Nous n'avons pas opté pour cette solution parce que nous avons estimé qu'une augmentation supplémentaire d'assemblages en piscine dans les bâtiments combustibles, alors qu'ils sont destinés à terme à être entreposés ailleurs, n'allait pas dans le sens de la sûreté - appréciation que partage plutôt l'ASN. En tout état de cause, si l'option de l'entreposage à sec était retenue et compte tenu du temps de refroidissement des assemblages MOX usés, c'est-à-dire vingt ans, une piscine centrale restera toujours nécessaire…

Ces sujets seront examinés lors du débat public qui se déroulera en fin d'année dans le cadre du Plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs (PNGMDR). Nous en attendrons les conclusions pour prendre les décisions finales, y compris concernant le choix d'un site. À ce stade, celui-ci n'est pas arrêté, contrairement à ce que j'ai lu ici ou là. Quant à la décision de construire ou non une piscine, elle ne sera prise qu'à l'issue du débat public ; nous n'entendons brûler aucune étape. En revanche, nous avons remis à l'ASN, à sa demande, un dossier d'options de sûreté.

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