Intervention de Nirmala Séon-Massin

Réunion du jeudi 22 février 2018 à 15h00
Mission d'information sur la gestion des évènements climatiques majeurs dans les zones littorales de l'hexagone et des outre-mer

Nirmala Séon-Massin, présidente de la commission de gestion des écosystèmes de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) :

Merci pour votre invitation.

L'UICN est une association de protection de la nature un peu atypique dans la mesure où elle repose, au niveau international et national, à la fois sur ses membres, sur un réseau d'experts et sur des équipes de salariés. Ses membres sont des structures qui peuvent être étatiques – en France deux ministères en sont membres, ainsi que des établissements publics et des agences de l'État – ou des ONG. Le comité français rassemble une quarantaine de membres d'origines très diverses, même si l'on y retrouve bien sûr les grandes organisations de protection de la nature comme France Nature Environnement (FNE). L'UICN repose également sur son réseau d'experts indépendants, provenant eux aussi d'une grande diversité d'institutions, académiques, techniques, privées… Les membres sont organisés en commissions thématiques et groupes de travail, comme la commission « Gestion des écosystèmes » que j'ai l'honneur de présider. Les experts y participent intuitu personæ. Ils sont plus de 250 au comité français. L'autre richesse de l'UICN, ce sont les équipes de salariés, qui organisent les réunions, rassemblent la matière, pilotent la rédaction des publications… L'UICN est donc plus un réseau qu'une association engagée localement, même si la richesse de ses membres permet des retours d'expérience du terrain.

En ce qui concerne le changement climatique et l'évolution des événements climatiques sur le littoral, l'UICN prend acte des travaux scientifiques menés notamment sous l'égide du GIEC, auxquels participent de nombreux laboratoires français. Nous n'avons pas vocation à remettre en cause ce type de travaux et, au contraire, nous nous fondons sur ces approches scientifiques et objectives.

Le fil conducteur porté par l'UICN, ce sont les stratégies fondées sur la nature, un nouveau nom pour un concept ancien. Il s'agit de s'appuyer sur la nature et les forces qu'elle recèle pour nous aider à relever les grands défis qui nous attendent, au premier rang desquels le changement climatique, en termes d'atténuation et d'adaptation. Ces solutions peuvent être la préservation d'un écosystème en bon état, l'amélioration de la gestion durable d'un écosystème faisant l'objet de divers usages par les communautés locales, ou la restauration, voire la recréation d'un écosystème dégradé.

Ce sont des solutions « sans regret ». Même si les événements climatiques desquels on cherche à se prémunir n'arrivent pas, ces solutions, par exemple la construction d'une grande digue, apportent d'autres bénéfices dès maintenant. Elles sont souvent flexibles, moins coûteuses, et leurs bénéfices vont au-delà de la protection contre un risque de submersion ou l'érosion : cela peut présenter un intérêt pour des activités économiques locales comme l'agriculture, l'élevage, la conchyliculture, le tourisme, la pêche de loisir… Il ne faut donc pas voir ces équipements comme une expropriation de la zone par rapport aux populations locales. Au contraire, ces solutions se fondent sur une concertation, un portage commun avec les différents acteurs locaux.

Nous avons des exemples concrets d'écosystèmes littoraux qui peuvent être préservés ou restaurés pour protéger les populations : dunes, forêts littorales, zones humides, marais, étangs littoraux… L'outre-mer est extrêmement concerné, avec les mangroves et les récifs coralliens. La commune de Saint-Brevin-les-Pins, dont M. le rapporteur a été maire, a misé sur la préservation de son cordon dunaire depuis plusieurs dizaines d'années pour se prémunir contre ces risques. D'autres communes, comme Le Grau-du-Roi, font le choix de restaurer des dunes qui avaient été arasées. En Camargue, un important travail est entrepris pour restaurer le fonctionnement hydrologique naturel et accompagner un retrait progressif et maîtrisé, à certains endroits, du trait de côte, retrait qui paraît inéluctable.

Nous avons des chiffres sur les coûts évités en outre-mer grâce aux mangroves protégeant le littoral : plus de 115 millions d'euros en Nouvelle-Calédonie, 67 millions en Guadeloupe, 66 millions en Martinique… Les bénéfices existent déjà.

L'UICN n'a pas encore le recul nécessaire pour apporter des éléments fiables et précis sur les ouragans survenus il y a quelques mois. Des études conduites au Sri Lanka après le tsunami de 2004 montrent qu'en fonction de l'état des écosystèmes locaux les impacts sont très contrastés, entre plus d'une dizaine de morts dans un hôtel qui avait arasé les dunes qui le protégeaient, et un écrêtement de la vague de six mètres à quarante centimètres dans un village encore protégé par des plantations. Le retour d'expérience au Japon, à la suite du récent tsunami, a montré le rôle des forêts littorales dans la protection des populations. Nous ne nous reposons pas sur rien pour proposer ces théories.

Vous savez sans doute que le Conservatoire du littoral a un projet Ad'Apto valorisant une dizaine de sites dans des situations biogéographiques différentes pour montrer quelle gestion souple du trait de côte peut être envisagée par les acteurs locaux en conciliant les différents enjeux de protection des écosystèmes et d'activité socio-économique.

Les politiques publiques existent déjà : loi sur le littoral, pour laquelle il faut veiller à ce que de nouveaux développements législatifs ne remettent pas en question les équilibres qui en sont issues, documents d'aménagement et de planification aux différentes échelles territoriales, stratégie nationale pour la mer et le littoral ainsi que stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte, qui mettent toutes deux en avant la dimension systémique de conciliation des différents usages. Il existe également des structures propres à mettre en oeuvre ces solutions, structures techniques sur lesquelles s'appuyer pour agir de façon pertinente : l'État et ses établissements publics, tels que l'Office national des forêts (ONF), gestionnaire de forêts littorales, le Conservatoire du littoral, les collectivités locales, les parcs naturels régionaux, les acteurs locaux, associations de protection de la nature, mais aussi représentants des activités économiques.

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