Intervention de Yves le Quellec

Réunion du jeudi 22 février 2018 à 15h00
Mission d'information sur la gestion des évènements climatiques majeurs dans les zones littorales de l'hexagone et des outre-mer

Yves le Quellec, membre du réseau « Océans, mers et littoral » de France nature environnement (FNE) :

Toutes les côtes sont vulnérables à des événements météo-marins extrêmes, et même des côtes rocheuses. On a déjà vu la puissance de la mer arracher des blocs de rocher de plusieurs centaines de tonnes et les projeter très au loin. Il ne faut donc jamais oublier la vulnérabilité du littoral ; or je pense que nous sommes aujourd'hui dans une culture de consommation du littoral et que nous avons perdu de vue le fait qu'être sur la côte est certes source de détente, de loisir, de plaisir, mais est toujours, au moins potentiellement, une exposition à un risque, que l'on ne prend plus suffisamment en considération.

Aucun département du littoral français n'est non plus exempt du risque d'érosion. Ce ne sont pas toutes les côtes à 100 % qui sont concernées, mais le recul des côtes existe sur toutes les façades maritimes. Les plus vulnérables sont les côtes sableuses, les côtes basses, les côtes à lagunes, les côtes bordées de marais, les estuaires, tous types de côtes que l'on retrouve sur chacune de nos façades maritimes.

Un élément clé, que l'on a tendance à oublier, c'est que le littoral est mouvant ; il n'est pas stable. L'expression très employée de trait de côte – « le recul du trait de côte » – me pose un peu problème car elle fait penser à une ligne fixe, alors que l'espace littoral bouge tout le temps, à certains endroits beaucoup, à d'autres plus modestement, et il faudrait éviter de véhiculer l'idée d'une ligne qui doit être défendue absolument contre tout mouvement. De fait, on ne l'empêchera pas de bouger.

La directive européenne « Inondation » de 2008 a déclenché un mouvement d'identification de ce que l'on appelle des territoires à risque important d'inondation (TRII), par inondation fluviale ou submersion marine. Pour cette dernière, vingt-cinq TRII sont identifiés en France. Une évaluation nationale, l'évaluation préliminaire des risques d'inondation, a été conduite en 2011. Sur le volet des submersions marines, il en est ressorti le chiffre de 1,4 million d'habitants exposés en métropole, 129 000 dans les départements d'outre-mer. En métropole, c'est aussi au moins 850 000 emplois qui risquent d'être directement menacés par la survenance d'un événement extrême. Des établissements de santé sont très mal situés : leur nombre est estimé à 160. On peut y ajouter des écoles, des bâtiments publics comme le magnifique siège du conseil départemental non loin de chez moi, en bord de mer, des casernes, des centres de secours, des casernes de pompiers, avec tout ce que cela implique comme désorganisation : les équipes de secours ne peuvent pas intervenir si elles sont elles-mêmes touchées par l'événement. On a évalué à 13 900 hectares la surface urbanisée exposée au seul risque d'inondation ; c'est un peu plus que la superficie de l'Île-de-France. Les surfaces les plus importantes sont en Vendée, en Charente-Maritime et dans les Bouches-du-Rhône. Cinq départements métropolitains concentrent 50 % de la population exposée.

Ce sont des données disponibles et il serait, très opportun d'en répandre la connaissance, pas seulement dans les cercles de décision, mais aussi auprès de la population. Il est urgent de prendre la mesure d'un risque réel et dont on sait qu'il a toutes les chances de s'accroître, en raison de deux phénomènes : d'une part, le changement climatique, une hausse du niveau moyen des mers qui est en train de s'accélérer, d'autre part, des schémas d'aménagement du territoire qui, au nom de la demande sociale, contribuent à concentrer toujours plus de monde sur le littoral. N'attendons pas la prochaine catastrophe, où l'on nous dira encore que c'est du jamais vu, de l'exceptionnel. Je crains que l'exceptionnel ne finisse par devenir, sinon courant, du moins relativement fréquent.

Il est évident que cela ne peut pas se traiter à l'échelle micro-locale. Il faut bien repérer quels sont les bassins de risque. Une démarche très intéressante est la démarche transmanche qui associe le Royaume-Uni et les côtes de la Manche française : par le programme LiCCo, « Littoraux et changements côtiers », l'intégralité du littoral de l'Angleterre et du Pays de Galles a été découpée en cellules pertinentes pour y envisager le changement côtier à long terme, en posant d'emblée des options. Sur certains sites, où les enjeux économiques sont tels qu'il faut tenir, il faudra continuer d'investir dans de la défense côtière. Cela ne veut pas dire qu'il faut tenir partout, car de toute façon on ne le pourra pas ; à certains endroits il sera préférable de laisser la côte évoluer naturellement, même si c'est par le recul. Dans certains cas, on ne renforcera pas les systèmes de défense présents et on laissera la nature reprendre ses droits : ce sont les « solutions basées sur la nature » et les « stratégies sans regret » évoquées par Mme Séon-Massin. On a besoin de tels espaces pour laisser réguler les choses. Ainsi, ce n'est pas du tout la stratégie du trait de côte devant être fixé autant que possible partout. Il faut faire des choix, raisonnés, partagés.

Pour l'instant, c'est quelque chose qui semble difficile à envisager dans notre culture française. Le site du programme LiCCo, licco.eu, est très frappant à cet égard. Deux pages sont consacrées, l'une au regard anglais, l'autre au regard français. Sur la page anglaise, on trouve ce que je viens d'expliquer. Sur la page française, on trouve une liste de procédures. On a des procédures mais on ne s'est pas posé les bonnes questions. On n'a pas vraiment posé la question de savoir à quoi doivent servir ces procédures.

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