Intervention de Christine Hennion

Séance en hémicycle du mardi 27 mars 2018 à 15h00
Protection des savoir-faire et des informations commerciales — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristine Hennion, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques :

Madame la présidente, madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous examinons aujourd'hui un texte sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales de nos entreprises.

La commission des affaires économiques s'est saisie pour avis de la présente proposition de loi car les sujets d'intelligence économique entrent directement dans le champ de ses compétences. Nous partageons très largement les choix de transposition qui correspondent à une véritable ambition de protection du secret des affaires dans notre droit national. Dans le même temps, la proposition de loi ne concède rien sur le terrain de la défense des droits et des libertés fondamentales – en particulier, sur la question des lanceurs d'alerte, le cadre juridique qu'a fixé la loi Sapin 2 n'est pas affecté par la présente transposition mais la complète : notre droit devient donc plus protecteur. Je soutiens dans ce cadre l'amendement déposé en commission par mon collègue Raphaël Gauvain contre les procédures « bâillons ».

Pourquoi cette proposition de loi est-elle nécessaire ? Dans un monde ouvert, en pleine transition numérique, la valeur ajoutée d'une entreprise, l'attractivité de son modèle, ses atouts dans la compétition mondiale résultent de l'imagination qu'on y déploie, de son caractère innovateur, des risques qu'elle prend et des investissements qu'elle réalise.

Or l'espionnage industriel ne consiste plus seulement à s'introduire physiquement dans une usine pour voler un prototype mais, également, à pénétrer à distance dans des systèmes d'information afin de copier un algorithme ou des données. Selon la direction générale des entreprises, plus de mille « actes hostiles significatifs » – la réalité est sans doute plus importante – sont recensés chaque année à l'encontre des acteurs économiques.

Nos concurrents utilisent également le droit pour servir leurs intérêts économiques : je pense en particulier à la procédure de discovery, aux États-Unis, qui force nos entreprises à divulguer énormément d'informations sensibles aux juridictions américaines dans le cadre de litiges parfois très indirects. L'Union européenne a pris du retard en la matière par rapport aux États-Unis ou à la Chine, qui font de l'influence économique un axe essentiel de leur politique extérieure. La France et l'Europe doivent garantir leurs atouts dans la compétition mondiale de l'économie de l'innovation.

Dans le même temps, nous entrons dans une économie de la connaissance où les innovations et les progrès viennent de l'innovation ouverte, du partage de la connaissance, de la « coopétition » et de la collaboration au sein des écosystèmes. Les entreprises françaises, de toute taille, doivent avoir une vraie réflexion stratégique pour décider des informations qui peuvent être partagées, ouvertes plus largement ou nécessairement gardées secrètes. Il peut s'agir d'informations aussi différentes que leurs savoir-faire, leurs stratégies marketing, leurs procédés d'organisation innovants ou, encore, leurs algorithmes, bases de données et logiciels qui constituent parfois le coeur de leur modèle économique.

Il faut donc pouvoir protéger et garantir la sécurité de ses actifs ! Le secret des affaires est une réponse juridique complémentaire à toutes les mesures défensives que détiennent les entreprises aujourd'hui : le droit des brevets ou des marques, de la propriété intellectuelle, la protection des droits d'auteur ou, encore, l'enveloppe Soleau, délivrée par l'Institut national de la propriété industrielle.

Il faudra que les entreprises s'emparent rapidement de cette nouvelle arme juridique. Elles devront identifier les informations à protéger et mettre en place des moyens juridiques et techniques pertinents : interdictions d'accès, protection des systèmes d'information, règles d'hygiène numérique, clauses contractuelles de confidentialité et ainsi de suite, comme demandé par la loi.

J'insisterai sur un point de vigilance, qui fait l'objet d'un amendement : la coopération des États membres en matière de protection des secrets des affaires. Le considérant 33 de la directive indique qu'« Afin de faciliter l'application uniforme des mesures, procédures et réparations prévues par la présente directive, il convient de prévoir des systèmes de coopération et des échanges d'informations entre les États membres, d'une part, et entre ceux-ci et la Commission, d'autre part, notamment en mettant en place un réseau de correspondants désignés par les États membres. » Cela n'est pas prévu par la proposition de loi mais c'est pourtant fondamental : l'Union européenne doit créer un réseau intégré et harmonisé d'intelligence économique qui protège ses intérêts et ceux de ses entreprises. Je propose donc qu'un correspondant national soit prévu pour organiser et participer à ce réseau d'intelligence économique, d'abord en France, puis avec ses homologues européens. Il pourrait s'agir du commissaire à l'information stratégique et à la sécurité économiques, qui a été créé par un décret de 2016. Nous en débattrons, mais l'accroche législative me paraît essentielle pour souligner le caractère impérieux de cette coordination européenne.

Je présenterai au cours de la discussion trois autres amendements qui visent à améliorer l'efficacité de la transposition de la directive européenne.

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