Intervention de Didier Paris

Séance en hémicycle du mardi 27 mars 2018 à 15h00
Protection des savoir-faire et des informations commerciales — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDidier Paris :

Madame la présidente, madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, mes chers collègues, si la liberté de la concurrence est un principe nécessaire et fondamental des rapports économiques et commerciaux, encore faut-il que les entreprises et les individus qui en sont les acteurs usent, dans ce cadre, de procédés loyaux. Les entreprises investissent, consacrent d'importants efforts de recherche et développement, déploient des stratégies commerciales propres, qui doivent, sans aucun doute, être protégées. Il y va du développement économique de notre pays dans un contexte international toujours plus tendu, comme en attestent les dernières décisions protectionnistes sur l'acier. Il y va du maintien de l'emploi, de la compétitivité sur notre territoire et de la relance d'un véritable esprit d'entreprenariat, trop longtemps négligé, y compris dans notre pays.

La transposition, dans des délais contraints, de la directive européenne sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulguées contre l'obtention, l'utilisation et la divulgation illicites, dite directive « secret des affaires », présente, à cet égard, un intérêt tout à fait particulier. Le texte de la proposition de loi qui nous est présentée ne vise pas à sur-transposer la directive, comme c'est trop fréquemment le cas en la matière, mais au contraire à l'intégrer, a minima, dans notre droit, sauf pour quelques points hauts, comme celui de l'extension de la protection du secret dans l'ensemble des instances judiciaires et administratives, comme l'a rappelé très justement Mme la ministre.

Le point le plus important, sur le fond, est la consécration de deux principes : la clarté et la protection. Le texte apporte de la clarté, parce que notre droit national ne disposait jusqu'alors pas d'une définition du secret des affaires, se bornant à une construction jurisprudentielle basée sur la responsabilité civile, même si le droit pénal commun peut trouver à s'appliquer et que des dispositions spécifiques existent, comme la protection des secrets de fabrique. En outre, l'organisation des mesures de protection et de réparation susceptibles d'être mises en oeuvre, sous le contrôle et par la décision du juge, est clarifiée.

Mais le point plus important, et sans doute le plus novateur, qui a été le plus débattu à ce stade, réside dans les régimes de protection instaurés. Deux objectifs distincts, mais absolument liés, sont poursuivis. D'abord, le texte vise à protéger des entreprises et des détenteurs légitimes du secret des affaires. Les obligations de confidentialité, les interdictions d'utilisation ou restrictions d'accès aux pièces litigieuses, les réparations civiles, dont l'application d'un principe de réparation forfaitaire du préjudice, n'en sont que quelques illustrations.

Mais ce droit ne saurait exister, dans notre société démocratique, sans son indispensable corollaire de protection des journalistes, des lanceurs d'alerte ou des salariés détenteurs du droit d'information et de consultation. Il y aurait, à l'égard de ces derniers, une véritable incohérence à vouloir les placer, notamment aux termes du projet de loi relative au plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises – PACTE – , au centre de la transformation de l'entreprise et de l'expression de ses valeurs, sans leur accorder un droit protégé de signalement.

Il ne s'agit pas, en l'occurrence, de reprendre les fondements de la toute récente loi relative à la transparence, la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique, dite loi Sapin 2. Nous en avons largement discuté très récemment en commission des lois. Cette loi a trouvé un équilibre reconnu, qui a maintenant vocation à s'appliquer dans les faits. Mais, au-delà de la protection du droit fondamental à la révélation, à l'information, à la divulgation de bonne foi d'une faute, d'un acte répréhensible, d'une activité illégale, dans le but de protéger l'intérêt public, c'est tout autant la protection contre les pratiques d'intimidation dont, nous le savons bien, peuvent faire l'objet les journalistes ou les lanceurs d'alerte, qui motive cette proposition de loi.

Dans cette perspective, le texte s'en trouve encore amélioré. Il s'attaque en effet, avec une vigueur accrue, aux procédures dites « bâillons », dont nous savons tous qu'elles existent. Celles-ci consistent à multiplier les procédures judiciaires à l'encontre des auteurs de signalements ou de révélations et à amplifier les menaces et les demandes de dommages et intérêts dans l'unique but de les inciter à l'inaction.

Cet objectif est parfaitement en phase avec la directive européenne, qui appelle les États membres à veiller à sa réalisation. Il fait l'objet d'un dispositif d'amende civile original apte à lutter contre les menaces dilatoires ou abusives, atteignant de plein fouet leurs auteurs, y compris en termes de réputation.

Ce même souci de lutte contre les détournements de procédure motivera un amendement visant à étendre le bénéfice de la protection du secret des affaires à toutes les procédures judiciaires et administratives, afin de ne pas en limiter le champ d'application à celles introduites sur ce seul fondement.

Bien entendu, l'appréciation et le contrôle du juge demeureront pleinement opérationnels, y compris en matière d'organisation du débat contradictoire, qui demeure le fondement absolument nécessaire de notre droit.

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