Intervention de Yves Blein

Séance en hémicycle du mardi 27 mars 2018 à 21h30
Protection des savoir-faire et des informations commerciales — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Blein :

Madame la présidente, madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, mes chers collègues, quelle vision avons-nous de l'Europe ? Quel est notre projet ? Transposant une directive européenne, la directive 2016943UE du 8 juin 2016, nous pourrions sans doute nous attarder sur tel détail technique de la propriété de données ou échanger longuement sur la délicate question de la liberté de l'information mise à disposition du public. Aurions-nous pour autant créé de « l'envie d'Europe » ? Aurions-nous exprimé une ambition européenne, aurions-nous mis en valeur la qualité et la nécessité de la solidarité entre les membres de l'Union européenne ? Je ne le crois pas.

Avec ce texte, nous ne nous transformons pas – comme un député membre de la commission des affaires économiques se plaisait à le dire lors des débats – en « petits télégraphistes » de la technocratie européenne ; nous affirmons que nous voulons construire une Europe protectrice, forte, dans un monde ouvert, où ses interlocuteurs s'appellent la Chine, les États-Unis, la Russie, l'Inde, le Japon et tant d'autres.

Ne rien faire serait pécher par naïveté. Laisser chaque État membre se débrouiller seul avec la protection de ses intérêts économiques serait tout simplement créer les conditions pour que la plupart de nos vingt-sept partenaires deviennent une proie facile pour d'autres économies plus puissantes, mieux armées et surtout mieux défendues. Ce serait manquer au devoir de solidarité de l'Europe envers chacun de ceux qui la composent. Nos partenaires doivent au contraire sentir que leurs économies sont protégées par un ensemble qui les transcende. Cette défense commune de nos intérêts fait naître l'idée que le sentiment européen, l'union européenne, ne sont pas de vains mots mais une réalité tout à fait concrète et tangible.

Oui, mes chers collègues, ce texte, et avec lui la directive que nous transposons, sont l'expression d'un projet européen que nous voulons ambitieux, fort, construit et protecteur pour nos économies.

Nous devons nous protéger, protéger nos marques et nos secrets de fabrique, mais parce que nous sommes européens, cette exigence ne saurait faire obstacle à une information de qualité à laquelle doivent pouvoir justement prétendre tous les citoyens européens. C'est la double dimension de ce texte. Il définit le secret des affaires et fixe les conditions dans lesquelles ce dernier peut être invoqué ; il définit les sanctions qui peuvent être encourues par ceux qui tentent de le violer. Mais il préserve également la nécessaire transparence, due en particulier aux consommateurs.

C'est ainsi que la présente proposition de loi prévoit des dérogations à la protection du secret des affaires ; nécessaires au respect des droits fondamentaux, elles permettront de s'assurer que l'exercice de la liberté d'expression et de communication, tout comme la liberté d'investigation, sont protégés. Nous devons garantir ces libertés parce qu'elles nous protègent – parfois contre nous-mêmes. Nous devons protéger les lanceurs d'alerte, les salariés, les représentants du personnel, et plus généralement tous ceux qui peuvent prendre l'initiative de révéler une information pour motif d'intérêt général.

L'exercice de ces droits fondamentaux ne doit néanmoins pas empêcher une solide protection des process, des modes de fabrication, de la liste des ingrédients de tel ou tel produit, dès lors que ceux-ci constituent – quand bien même ils ne sont parfois que virtuels – la richesse, le capital de l'entreprise et de ceux qui oeuvrent à sa réussite et à ses performances.

Sur ce plan, la directive améliore incontestablement la sécurité juridique des échanges ; elle rend parfaitement clair et accessible le dispositif civil de protection du secret des affaires, qui ne relèvera plus de dispositions jurisprudentielles, mais pour l'essentiel de dispositions complètes et précises, à la fois législatives et réglementaires.

Il est délicat de définir l'équilibre entre protection des données en regard de la concurrence internationale et nécessaire transparence. Ce texte constitue l'aboutissement d'une réflexion entreprise il y a plusieurs années ; il n'arrive pas, comme certains voudraient le faire croire, ainsi qu'un cheveu sur la soupe. En 2011, Bernard Carayon avait déjà déposé une proposition de loi sur ce sujet ; en 2014, Jean-Jacques Urvoas a proposé d'instituer un régime de responsabilité à la fois civile et pénale. Plus tard, la loi Sapin 2 s'est penchée sur la définition des lanceurs d'alerte.

Le texte que nous examinons aujourd'hui, et dont je souhaite qu'il soit adopté, est donc le fruit du cheminement d'une réflexion engagée il y a plusieurs années.

La commission des affaires économiques, saisie pour avis, a pu débattre de l'intérêt pour les entreprises françaises d'un texte qui vienne enfin mieux protéger leurs activités. À l'heure où la propriété de données numériques constitue souvent une véritable base de vie pour nos entreprises, à l'heure aussi où les intrusions se font de plus en plus hargneuses et sophistiquées, il était essentiel de réagir et de ne pas faire preuve d'angélisme.

L'espionnage industriel se fait aujourd'hui aussi sur le tapis vert : les règles du commerce mondial amènent parfois à devoir exposer des secrets appartenant à l'entreprise – et fondant sa richesse.

Notre rôle était également de nous assurer – et c'est pour nous un objectif constant – que la transposition de la directive n'imposait pas à nos entreprises des contraintes juridiques qui viendraient s'ajouter aux demandes européennes. Il nous est apparu que tel n'était pas le cas.

C'est donc avec plaisir, et surtout avec la conviction de faire oeuvre utile en faveur de nos entreprises exposées à la concurrence internationale, que nous soutiendrons l'adoption de ce texte.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.