Intervention de Jean Terlier

Séance en hémicycle du mardi 27 mars 2018 à 21h30
Protection des savoir-faire et des informations commerciales — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Terlier :

Madame la présidente, madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur, chers collègues, à peine adoptée à une large majorité le 14 avril 2016, la directive européenne relative à la protection des secrets d'affaires était déjà attaquée par de nombreux représentants d'ONG, par des journalistes ou des membres de la société civile, qui dénonçaient une atteinte aux droits et libertés fondamentales, notamment pour les salariés, les journalistes et les lanceurs d'alerte.

Pourtant, sa transposition ne doit laisser aucun doute quant à ses seuls objectifs, qui sont de définir et de protéger le « secret d'affaires » des entreprises, quant à sa seule vocation, qui est de les protéger contre l'espionnage industriel et économique, de protéger leurs savoir-faire, de garantir leur discrétion et leurs intelligences intellectuelles et matérielles.

La tradition économique et entrepreneuriale française s'inscrit depuis longtemps dans des règles de loyauté et de confiance, d'usage et de coutume, fondées sur la relation contractuelle privilégiée, où l'on tient des confidences, des secrets pour se vendre et pour vendre. Notre système juridique sanctionne d'ailleurs l'utilisation non autorisée de renseignements confidentiels, mais apprécie cette violation comme celle d'un simple principe général de protection se fondant quasi indifféremment sur des dispositions de lutte contre la concurrence déloyale – violation d'une clause de confidentialité – ou sur la jurisprudence, par exemple pénale en recourant aux infractions d'abus de confiance ou de vol.

Cette appréhension française du « secret des affaires » s'avère aujourd'hui trop confuse et inopérante. Les règles jurisprudentielles qui punissent simplement la violation de la bonne foi présumée, de la loyauté, se révèlent limitées et peu protectrices de nos PME contre l'espionnage économique et industriel, le pillage de leurs innovations et de leurs recherches, la violation de leurs secrets de fabrication. La transposition infléchira cet écueil.

Le texte proposé assure une articulation claire et complète entre les dispositions primordiales de protection du secret des affaires et le respect des droits fondamentaux.

Il dote nos entreprises, et particulièrement celles ne disposant pas des moyens de recourir aux procédures de protection de la propriété intellectuelle, d'un cadre juridique clair et accessible, d'un arsenal de recours, de responsabilité et de réparation civile contre l'obtention, l'utilisation et la divulgation illicites de leurs données, de leurs méthodes et stratégies, ou toutes autres qualités et caractéristiques qui font d'elles des entreprises singulières et performantes.

En usant de ces marges de manoeuvre, cette loi prévoit des dérogations garantes de la liberté d'information et d'expression.

Parce que le secret des affaires ne peut pas s'appliquer lorsqu'il s'agit

d'« exercer le droit à la liberté d'expression et de communication, y compris le respect de la liberté de la presse », le journaliste est protégé de toutes actions en opposition à publication d'une enquête ou en réclamation de dommages et intérêts.

Par ailleurs, les personnes qui révèlent « de bonne foi une faute, un acte répréhensible ou une activité illégale dans le but de protéger l'intérêt public général » ne peuvent se voir opposer ce secret. Or, par référence à la loi Sapin 2, les lanceurs d'alerte sont également exclus du champ de la responsabilité.

Enfin, parce que les salariés sont les salariés, elle reconnaît leur exception et leur permet d'obtenir des informations internes sur leur entreprise et leur accorde le droit de les transmettre.

En fixant des mesures raisonnables de protection parfaitement conformes au respect du droit à l'information, ce nouvel arsenal transposé doit dissuader les espions et surtout rassurer nos entrepreneurs.

Ainsi, après les échecs, en 2011, de la proposition de notre ancien collègue Bernard Carayon, qui ne visait que la sanction pénale, méconnaissant ainsi la nature civile du contrat, et en 2015 de celle de nos collègues Bruno Le Roux et Jean-Jacques Urvoas qui, par une approche trop globale, banalisaient les craintes de privation de libertés, cette proposition de loi parvient enfin à concilier les exigences européennes d'une protection optimale du secret des affaires avec les libertés d'expression et d'information.

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