Intervention de Denis Sommer

Réunion du mercredi 14 mars 2018 à 16h30
Commission d'enquête chargée d'examiner les décisions de l'État en matière de politique industrielle, au regard des fusions d'entreprises intervenues récemment, notamment dans les cas d'alstom, d'alcatel et de stx, ainsi que les moyens susceptibles de protéger nos fleurons industriels nationaux dans un contexte commercial mondialisé

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDenis Sommer :

Notre président a insisté en début de séance sur la dégradation du commerce extérieur, qui s'est confirmée d'ailleurs en début d'année. Si nous en sommes là, c'est bien en raison de la faiblesse de notre appareil productif. Mais la part de l'industrie dans le PIB n'est pas passée de 22 à 11 % en l'espace de quelques mois : le processus a été très long. Entre 2007 et 2012, les taux de marges dans les entreprises se sont considérablement dégradés. Après la crise de 20082009, et malgré la reprise de 2010, les entreprises ont eu le plus grand mal à les reconstituer. Il a fallu attendre les décisions qui ont été prises au milieu du mandat précédent – auxquelles il est permis de penser que l'ancien Président de la République a contribué – et l'accélération de la politique en 2017, pour retrouver le dynamisme que l'on constate aujourd'hui.

La dégradation de l'appareil productif est un processus extrêmement long, que l'on peut rapprocher du débat sur le pouvoir d'achat. Je fais partie de ceux qui ont connu la période de 1981 et l'enthousiasme qui prévalait alors ; les vannes ont été largement ouvertes, mais au bout de deux ans, il a fallu passer à une politique d'austérité extrêmement violente, parce que l'ensemble de notre commerce extérieur s'était très fortement dégradé. C'est là qu'apparaît la cohérence de la politique menée par notre gouvernement.

Je voudrais aborder la question du rapport entre les IDE et le financement national – j'entends par financement national les ressources que l'on peut trouver dans le pays pour financer notre industrie, et plus largement, notre économie.

L'Allemagne, que vous avez citée à plusieurs reprises, se caractérise par une grande stabilité des capitaux investis dans les entreprises. Le taux de capitalisation boursière ramenée au PIB en Allemagne est très largement inférieur à celui qui existe en France. Loin de moi l'idée de penser notre économie dans les limites de l'hexagone : nous sommes dans une économie mondiale et nous avons besoin des investissements extérieurs. Cela étant, je suis convaincu que nous devons mobiliser beaucoup plus de ressources en France pour répondre aux besoins de notre économie et particulièrement de notre industrie. De ce point de vue, BPI a fait et continue à faire un travail tout à fait intéressant, mais je maintiens que nous ne pouvons pas nous passer d'une collaboration beaucoup plus forte avec les régions, notamment en matière de capital-risque.

Aujourd'hui, les sociétés de capital-risque avec des capitaux publics, notamment régionaux, ont des tickets d'investissement autour de 500 000 euros, et rencontrent parfois de grandes difficultés pour trouver des co-investisseurs en France : les chefs d'entreprises français hésitent à entrer dans le capital, la culture n'est pas la même de l'autre côté de la frontière. Nous avons donc besoin de sociétés de capital-risque en région, soutenues par l'État, dans le cadre de partenariats avec la Caisse des dépôts ou Bpifrance, la Caisse des dépôts pouvant au besoin venir comme co-investisseur aux côtés des banques régionales. Ces partenariats nous permettraient d'aller sur des tickets beaucoup plus importants, au-delà des 500 000 euros, pour faire le lien avec les grands investisseurs nationaux et internationaux. Quel est votre avis sur ce sujet ?

En dernier lieu, je voudrais soulever un problème qui se pose notamment dans l'industrie automobile : alors que certaines activités sont en pleine croissance, paradoxalement, les PME ou PMI de la sous-traitance peinent à se faire refinancer auprès des banques. Du coup, on se retrouve avec des têtes de réseau, des champions dont les résultats sont très intéressants, et des PME aux prises avec les plus grandes difficultés. Là encore, la comparaison avec l'Allemagne est extrêmement intéressante : ses industriels travaillent dans des logiques de filière, alors qu'en France, on est très souvent dans une logique de transfert de charges de la tête de réseau vers les PME. J'espère que nous aurons l'occasion d'examiner ce problème au cours du prochain examen de la loi PACTE afin de modifier certains rapports au sein de nos filières industrielles, dans l'intérêt de l'ensemble de notre économie, sur le territoire national comme à l'international.

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