Intervention de Martin Vial

Réunion du jeudi 15 mars 2018 à 9h45
Commission d'enquête chargée d'examiner les décisions de l'État en matière de politique industrielle, au regard des fusions d'entreprises intervenues récemment, notamment dans les cas d'alstom, d'alcatel et de stx, ainsi que les moyens susceptibles de protéger nos fleurons industriels nationaux dans un contexte commercial mondialisé

Martin Vial, commissaire aux participations de l'État, directeur général de l'APE :

Avant de répondre à votre première question concernant l'avenir du capital de la nouvelle entité Alstom, je voudrais revenir aux engagements pris par Siemens et qui valent jusqu'à l'hiver 2022-2023, c'est-à-dire quatre ans après le closing. La nouveauté réside dans l'existence d'un comité de suivi où l'État est présent. Le ministre de l'économie et des finances, Bruno Le Maire, a indiqué qu'il prendrait la présidence de ce comité qui va se réunir pour la première fois avant la fin du mois. Les organisations syndicales allemandes et françaises de Siemens et d'Alstom participent à ce comité de suivi qui aura ainsi – autre nouveauté par rapport aux pratiques antérieures – un rôle permanent d'alerte si les engagements formalisés par Siemens ne sont pas tenus. Autre moyen de s'assurer du respect des engagements : trois administrateurs français indépendants, en dehors du directeur général français, siégeront au conseil de la nouvelle Alstom. Ce dispositif est plus fort, me semble-t-il, que ceux qui ont pu être montés dans le passé.

Faut-il renforcer la législation sur les IEF ou les actions spécifiques, les deux leviers qui existent en dehors d'une prise de participation importante au capital ? Ma réponse est oui. Le décret sur les IEF, qui a été amendé en 2014, élargit la portée de l'autorisation de l'État pour des prises de contrôle d'entreprises françaises par des entreprises étrangères. Il est important que l'application des engagements pris dans le cadre du décret IEF soit confortée. Je suppose que c'est l'une des préoccupations qui seront traduites dans la législation mais je laisse le ministre s'exprimer sur cette question.

La législation actuelle permet d'avoir des actions spécifiques dans les entreprises dans lesquelles l'État est actionnaire, mais elles ne peuvent être déclenchées qu'en cas de franchissement de seuil à la baisse très significatif. Je préconiserais d'accroître le pouvoir de ces actions spécifiques dans les domaines qui relèvent de la souveraineté – sécurité, défense – qui ne recoupent pas ceux des IEF.

Ces deux instruments doivent pouvoir être renforcés et la question de ce renforcement fait partie du débat tout à fait légitime mené dans votre commission.

Je reviens au capital de la nouvelle entité Alstom et aux actions détenues par le groupe Bouygues. Pendant une période limitée, le groupe Bouygues reste au capital, en vertu d'une clause de maintien. Il deviendra un actionnaire normal du nouvel ensemble sans obligation de rester durablement au capital. Par le passé, il n'avait pas non plus l'obligation de se maintenir au capital d'Alstom, au point d'avoir proposé une option de cession de ses titres.

S'agissant du secteur portuaire et aéroportuaire, vous avez raison de souligner que la plupart de ces infrastructures sont des établissements publics. En 2016, les aéroports de Lyon et de Nice ont été privatisés et, en 2016, le capital de celui de Toulous a été ouvert minoritairement à un actionnaire privé. Dans ce type d'activité, nous considérons que l'État, en sa qualité de régulateur, a tous les leviers en main pour faire en sorte que les missions de service public aéroportuaire soient totalement assurées. La direction générale de l'aviation civile (DGAC) fixe le cahier des charges qui s'impose aux opérateurs, quel que soit leur actionnariat. Elle délivre les slots disponibles pour les compagnies aériennes sur ces plateformes aéroportuaires. La DGAC fixe les conditions d'exploitation – horaires d'ouverture, objectifs de qualité de service et autres – par le biais des contrats de régulation économique (CRE), les contrats pluriannuels de performance des aéroports. Le ministère de l'intérieur maîtrise tout ce qui relève des dispositifs de sûreté qui s'imposent aux exploitants aéroportuaires. Le bon exercice du service public ne dépend donc pas de la détention du capital de ces entreprises par l'État.

L'État est-il obligé de vendre pour acheter ? Non. La seule contrainte, qui n'est pas négligeable, est que le compte d'affectation spéciale, à partir duquel nous faisons toutes nos opérations de cession et d'investissement, ne peut jamais être à découvert, fort heureusement. Pour réaliser un investissement, il faut que ce compte dispose des fonds disponibles. Or, nous sommes le seul gestionnaire d'actifs – publics et privés – qui ne dispose pas des dividendes venant des participations gérées. En application de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), adoptée par le Parlement en 2002, les dividendes de nos participations sont versés directement au budget général de l'État. Aucune règle européenne ne nous impose un niveau de participation.

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