Intervention de Olivier Marleix

Réunion du jeudi 15 mars 2018 à 11h35
Commission d'enquête chargée d'examiner les décisions de l'État en matière de politique industrielle, au regard des fusions d'entreprises intervenues récemment, notamment dans les cas d'alstom, d'alcatel et de stx, ainsi que les moyens susceptibles de protéger nos fleurons industriels nationaux dans un contexte commercial mondialisé

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Marleix, président :

Dans le cadre d'une série d'auditions visant à mieux comprendre quel aurait été l'impact de la procédure engagée par le gouvernement américain à l'encontre d'Alstom en vertu du Foreign Corrupt Practices Act (FCPA) sur la décision de Patrick Kron de vendre la branche « Power » d'Alstom, nous auditionnons aujourd'hui M. Pierre Laporte et M. Bruno Vigogne.

Monsieur Laporte, vous avez débuté votre carrière dans différents cabinets d'avocats, en France et aux États-Unis, en qualité de spécialiste notamment en droit des affaires et en droit de la propriété industrielle et intellectuelle. Vous avez ensuite occupé successivement des fonctions de direction juridique au sein de la branche « Santé » de General Electric, puis au sein d'Areva. Vous avez quitté Areva fin 2010 pour rejoindre un cabinet d'avocats, avant de devenir directeur juridique d'Alstom « Grid », la branche du groupe spécialisée dans le transport d'électricité. Vous avez quitté Alstom au moment du rachat de son pôle « Énergie » par General Electric.

Vous avez été interrogé en janvier dernier au sujet de l'historique de ce rachat sur France Info, je crois, qui consacrait un reportage aux pratiques anticorruption des Américains ; vous avez alors évoqué un large système de corruption touchant certaines pratiques commerciales de l'entreprise Alstom et avez également précisé que « l'immunité des dirigeants d'Alstom [dont le Président-Directeur général du groupe Patrick Kron et le directeur financier] a été négociée avec la justice américaine. ». Nous vous demanderons d'expliciter ces points.

Monsieur Bruno Vigogne, vous êtes avocat en droit bancaire et financier au sein du cabinet suisse Lenz & Staehelin. Vous êtes l'ancien responsable de la conformité d'Alstom « Power » et directeur des enquêtes internes d'Alstom. Pouvez-vous nous indiquer les dates auxquelles vous avez exercé ces fonctions ? Vous êtes spécialisé dans les enquêtes internationales anti-corruption, particulièrement dans celles menées par le Department of Justice (DoJ), le ministère de la justice américain, par le Serious Fraud Office (SFO), service britannique chargé de la lutte contre la grande délinquance financière, par la Banque mondiale ou encore par la Banque européenne d'investissement (BEI).

Votre audition revêt une grande importance pour notre commission d'enquête, dans la mesure où vous connaissez bien les entreprises General Electric et Alstom, qui nous intéressent tout particulièrement, mais aussi parce que vous avez une grande expertise en matière d'enquêtes anti-corruption.

Mes questions sont les suivantes :

Pouvez-vous nous rappeler, l'ancienneté et l'historique des faits de corruption reprochés à Alstom. M. Patrick Kron a déclaré qu'il s'agissait de faits très anciens et, en effet, le contrat pour lequel Monsieur Pierucci a été arrêté a été passé en Indonésie en 2004, époque où Alstom avait besoin pour remplir ses carnets de commandes d'aller chercher tous les contrats, y compris de petits comme celui-là ; mais le « plaider-coupable » a relevé que les opérations de corruption se sont poursuivies jusqu'à une date beaucoup plus récente que M. Kron ne le laissait entendre. Un rapport extrêmement détaillé de l'ONG Sherpa rappelle d'ailleurs l'ancienneté et la multiplicité des procédures ouvertes à l'encontre d'Alstom.

Selon vous, quand Alstom et Patrick Kron ont-ils été mis au courant que le DoJ avait lancé une enquête sur l'entreprise ? Il semblerait que M. Fred Einbinder, qui était le directeur des affaires juridiques d'Alstom de 2009 à 2010, ait été alerté début 2010 par le DoJ sur le fait qu'Alstom était dans le viseur et que l'entreprise était donc invitée à collaborer. En avril 2010, Patrick Kron se serait rendu aux États-Unis pour rencontrer un cabinet spécialisé, Winston & Strawn, chargé de procéder à une enquête interne. Élément plus surprenant enfin, devant l'ampleur des faits de corruption que révélait cette enquête interne, M. Patrick Kron aurait, semble-t-il, remercié à la fois M. Einbinder et le cabinet d'avocats qui avait fait ce travail d'enquête. Pouvez-vous nous confirmer ces informations ?

Comment pouvez-vous nous nous décrire les diligences faites par Patrick Kron pour remédier à ces mauvaises pratiques ? Il y a en effet eu des changements notables dans l'organisation d'Alstom, avec notamment une centralisation de la procédure de recrutement des consultants – puisque ce sont principalement des consultants qui ont été mis en cause dans les différentes enquêtes menées contre Alstom, comme étant les chevilles ouvrières de la corruption ; on a notamment parlé d'un cabinet ou d'une société suisse, qui finançait directement ces contrats.

Curieusement enfin, auditionné devant la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale en avril 2015, Patrick Kron avait refusé de répondre à toutes les questions sur le plaider-coupable d'Alstom du 22 décembre 2014, arguant de l'engagement pris devant les autorités américaines de ne pas commenter la procédure. Or, rien de tel ne figure dans le plaider-coupable. Selon vous, pourrait-il y avoir, à côté de ce plaider-coupable concernant la personne morale d'Alstom, un autre accord, sous la forme d'un non-prosecution agreement ou d'un deffered prosecution agreement, concernant les personnes physiques, M. Kron et quelques autres

Avant de vous céder la parole, je dois, conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, relatif aux commissions d'enquête parlementaires, vous demander de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité, de lever la main droite et de dire : « Je le jure. »

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