Intervention de Hakim El Karoui

Réunion du jeudi 15 mars 2018 à 14h30
Commission d'enquête chargée d'examiner les décisions de l'État en matière de politique industrielle, au regard des fusions d'entreprises intervenues récemment, notamment dans les cas d'alstom, d'alcatel et de stx, ainsi que les moyens susceptibles de protéger nos fleurons industriels nationaux dans un contexte commercial mondialisé

Hakim El Karoui, ancien associé au cabinet Roland Berger :

L'objectif stratégique de l'État était de trouver une offre industrielle crédible. Siemens a manifesté très rapidement son intérêt, en signant dans les vingt-quatre heures un document non engageant. Nous avons entamé alors un long travail avec le management, qui n'était pas vraiment acquis à l'idée d'une offre alternative, et avec l'État, par la voix de M. Montebourg, qui s'est donné du temps avec le décret ; nous avons consulté certain nombre d'interlocuteurs.

Ce sont les Français qui se sont montrés les plus rapaces. Chacun était prêt à prendre une petite partie d'Alstom, à un prix forcément décoté, avec des conditions de gouvernance ultra favorables, comme EDF, ou encore Thales, qui entendait racheter et prendre le contrôle de la branche « Signalisation ». Pour qui croit au patriotisme économique, la coopération avec les groupes industriels français a été peu satisfaisante !

Des discussions se sont engagées avec tous les grands acteurs du marché, hormis ABB, avec qui la coopération passée avait laissé un mauvais souvenir.

Siemens a effectué une Due diligence très sérieuse. Mitsubishi (MHI) est d'abord apparu comme un junior partner, puis les offres ont été séparées. Siemens proposait un échange – swap –, en donnant la branche « Matériel roulant » mais en gardant la branche « Signalisation » – un business qui fait trois fois plus de marge et qu'elle considérait, avant de finir par le céder, comme son coeur, ouvrant des perspectives avec la voiture connectée. MHI, de son côté, prenait la branche « Énergie ».

Il est apparu que MHI était prêt à regarder l'ensemble du business et à entrer avec 50 % des parts dans l'ensemble des filiales, sans en prendre le contrôle. Les Japonais estimaient Alstom complémentaire sur le plan des marchés – MHI demeurait en Asie et au Japon, un marché complètement fermé, tandis qu'Alstom restait européen – et des produits, Alstom étant jugé très bons sur certaines technologies. Toutefois, MHI était engagé avec Siemens et M. Shunichi Miyanaga, qui disait n'avoir qu'une parole, attendait d'être libéré de son engagement par M. Joe Kaeser. Celui-ci n'a jamais voulu laisser MHI aller vers Alstom, et a toujours dit qu'il voulait garder la branche signalisation.

Juste avant la réunion des ministres à l'Elysée, nous avons rencontré, avec Arié Flack de la CFL et Charles-Henri Filippi de Citigroup, Joe Kaeser. Dans sa dernière offre, Siemens était toujours majoritaire sur la branche « Signalisation ». Si bien que le jour de la décision politique, il n'y avait pas d'offre sur la table.

Pour être tout à fait transparent avec vous, je dirai que l'on peut s'interroger sur la date qui a été choisie pour la décision politique.

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