Intervention de Jean-Michel Blanquer

Séance en hémicycle du jeudi 29 mars 2018 à 9h30
Régime d'ouverture et de contrôle des établissements privés hors contrat — Après l'article 1er

Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale :

Bien que défavorable à l'amendement, j'approuve en grande partie l'état d'esprit de cette intervention. Je profite de l'occasion pour braquer le projecteur sur l'instruction à domicile.

On dénombre 25 000 enfants instruits à domicile, soit 0,3 % de la population scolaire : 70 % d'entre eux sont inscrits au CNED – Centre national d'enseignement à distance – , en classe à inscription réglementée ou dans un organisme d'enseignement à distance en inscription libre ; 34 % des enfants sont dans la tranche d'âge 6-10 ans et 66 % dans la tranche 11-16 ans. Enfin, 49,3 % d'entre eux sont des filles et 50,7 % des garçons.

Le cadre réglementaire est le suivant : les enfants soumis à l'obligation scolaire qui reçoivent une instruction dans leur famille, y compris dans le cadre d'une inscription au CNED, font l'objet, dès la première année et tous les deux ans, d'une enquête de la mairie compétente. Cette enquête fait partie des missions que le maire exerce en sa qualité d'agent de l'État ; elle ne porte pas sur la qualité de l'instruction dispensée dont le contrôle relève uniquement du ministère de l'éducation nationale.

Le contrôle pédagogique a lieu à partir du troisième mois suivant la déclaration d'instruction dans la famille et au moins une fois par an. Ce sont les IA-DASEN – inspecteurs d'académie-directeurs académiques des services de l'éducation nationale – qui procèdent au contrôle ou qui désignent un inspecteur pour l'effectuer. Les modalités de ce contrôle ont été renforcées par le décret du 28 octobre 2016 : celui-ci se déroule sous la forme d'un entretien avec les personnes responsables de l'enfant, le cas échéant en présence de ce dernier ; les personnes responsables de l'enfant précisent notamment la démarche et les méthodes pédagogiques qu'elles mettent en oeuvre ; l'enfant effectue ensuite des exercices écrits ou oraux adaptés à son âge et à son état de santé destinés à apprécier ses acquisitions.

Si les résultats du premier contrôle sont insuffisants, un deuxième contrôle peut être effectué. Si, à la suite de ce second contrôle, les résultats demeurent insuffisants, les parents sont mis en demeure d'inscrire l'enfant, dans un délai de quinze jours, dans un établissement d'enseignement public ou privé.

En cas de présomption d'une situation d'enfant en danger par la personne chargée du contrôle pédagogique, ou, alors même que l'instruction dans la famille n'est pas déficiente en tant que telle, si des éléments concordants permettent de penser que l'enfant est mis en danger – il s'agit notamment des dérives sectaires et des risques de radicalisation – , l'IA-DASEN peut saisir immédiatement le conseil départemental ou, dans le cas d'un danger grave, le procureur de la République.

Le Premier ministre l'a dit lors de la présentation du plan national de prévention de la radicalisation le 23 février dernier, nous devons aller plus loin. Plusieurs évolutions peuvent être envisagées parmi lesquelles l'instauration de contrôles inopinés. En l'état actuel du droit, rien ne fait obstacle à ce que le contrôle soit inopiné. La circulaire du 14 avril 2017 sur l'instruction dans la famille prévoit que les parents doivent être informés du contrôle au moins un mois avant. Nous pourrions abroger cette disposition pour éviter que les parents s'en prévalent. Un décret pourrait également préciser que le contrôle n'est pas nécessairement annoncé aux familles afin d'éviter toute contestation sur ce point. Je suis favorable à un travail parlementaire sur ces questions qui permettrait d'avancer s'agissant tant des solutions que du tableau de la situation.

Le plan annoncé par le Premier ministre enjoint également de renforcer le travail interministériel en cas de suspicion de radicalisation – ce travail a été engagé avec la publication, dès novembre dernier, d'une circulaire conjointe du ministre de l'intérieur et de moi-même.

En outre, la mesure 7 de ce même plan prévoit qu'une formation restreinte de la cellule de prévention de la radicalisation et d'accompagnement des familles – CPRAF – sera mise en place au niveau départemental pour coordonner les contrôles des établissements hors contrat et les situations d'instruction à domicile en cas de suspicion de radicalisation.

La mesure 8 vise, en cas de signalement de radicalisation et sous le pilotage du préfet, à améliorer la fluidité de la transmission de l'information avec le maire et l'inspection académique, l'objectif étant de s'assurer du caractère exhaustif du recensement des enfants soumis à l'obligation scolaire.

Enfin, l'âge à partir duquel le contrôle pédagogique s'exerce sera abaissé à trois ans – c'est la conséquence directe de l'abaissement à trois ans de l'âge de l'instruction obligatoire. Cela signifie que les contrôles pédagogiques pourront être effectués dès l'âge de trois ans. Nous savons que la radicalisation peut malheureusement commencer très tôt.

Je répète mon accord avec l'état d'esprit de votre intervention. La proposition de loi que vous êtes appelés à voter est un pas dans la direction que vous souhaitez. Elle sera complétée d'autres mesures et évolutions de notre organisation.

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