Intervention de Guillaume Kasbarian

Réunion du jeudi 22 mars 2018 à 9h30
Commission d'enquête chargée d'examiner les décisions de l'État en matière de politique industrielle, au regard des fusions d'entreprises intervenues récemment, notamment dans les cas d'alstom, d'alcatel et de stx, ainsi que les moyens susceptibles de protéger nos fleurons industriels nationaux dans un contexte commercial mondialisé

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuillaume Kasbarian, rapporteur :

Je reviens à la question de la corruption dans la vie économique. Après le traitement de l'affaire Alstom par le Department of Justice, et ses conséquences sur les choix stratégiques de l'entreprise, certaines interrogations se sont exprimées au sujet de l'extra-territorialité du droit américain.

Nous nous sommes rendus aux États-Unis dans le cadre de la mission. Tous nos interlocuteurs ont été unanimes à saluer la loi Sapin II comme un texte de référence, permettant de hisser la France au plus haut niveau des standards internationaux en matière de lutte contre la corruption et de transparence de la vie économique. C'est une très belle avancée et un beau signal envoyé par la France.

Il est en effet important de protéger l'image de nos grands groupes, qui peuvent ainsi montrer qu'ils acceptent de se plier à des règles de lutte contre la corruption. Car je partage, monsieur le ministre, votre perception de la justice américaine : quand une entreprise s'est adonnée à des actes de corruption, l'appareil judiciaire n'hésite pas à la poursuivre. Ce n'est pas une question de puritanisme ; cela procède d'un souci de protection de l'intégrité des marchés américains. Une entreprise qui opère aux États-Unis doit montrer que la transparence est assurée chez elle et qu'elle ne trempe pas dans la corruption, y compris sur ses marchés étrangers.

À vous qui avez une longue expérience de l'État, je souhaiterais poser quatre questions.

Premièrement, considérez-vous qu'il y ait des « trous dans la raquette » ? Nourrissez-vous des regrets que la loi Sapin II ne soit pas allée plus loin sur le terrain de la lutte contre la corruption, de l'extraterritorialité du droit et de la réciprocité avec nos partenaires, ou bien considérez-vous que nous soyons au maximum ? Envisagez-vous des ajustements à moyen ou long terme ?

Deuxièmement : souvent évoquée, la loi du 26 juillet 1968 dite de blocage fait-elle encore sens ? Les entreprises ne l'utilisent-elles pas pour éviter de coopérer avec la justice étrangère, alors qu'elle est très peu invoquée en France ? Cette loi n'est-elle pas à retravailler, voire à abroger ?

Troisièmement, y a-t-il une réelle volonté politique de mise en oeuvre de la loi, y compris pour les cadres des grandes entreprises ? Ne critique-t-on pas l'extraterritorialité du droit aux États-Unis et le puritanisme américain pour masquer la faible volonté politique de s'attaquer à la question en France ?

Quatrièmement, la question des moyens alloués n'est-elle pas à envisager, lorsqu'on s'intéresse à la mise en oeuvre de la loi ? N'observe-t-on pas une asymétrie des moyens entre les juges et enquêteurs français et américains, asymétrie qui justifierait qu'on passât à la vitesse supérieure parce que nous n'aurions pas la même capacité de poursuivre que nos partenaires commerciaux ?

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