Intervention de Gérard Collomb

Réunion du mercredi 21 mars 2018 à 16h30
Commission des affaires étrangères

Gérard Collomb, Ministre d'État, ministre de l'Intérieur :

La réponse à votre question, madame Le Peih, est dans la question elle-même. Vous dites que 250 millions de personnes sont potentiellement des réfugiés climatiques, et je comprends bien que vous ne pensez pas que la France puisse accueillir 250 millions de personnes. Il ne faut pas mélanger tous les débats. Ce n'est pas par ce projet de loi que nous pourrons résoudre le problème du changement climatique, qui est une véritable question en soi. Quand nous nous sommes rendus à Niamey, les gens nous ont parlé de la réduction du lac Tchad et des difficultés que cela posait ; une des causes qui ont permis à Boko Haram de s'enraciner dans la région est précisément ce problème. Il faut mener des actions, dans la droite ligne de la COP 21 ; j'ai des collègues au Gouvernement qui sont chargés de la transition écologique et prennent ces questions en considération, ce n'est pas le ministre de l'intérieur qui est chargé de résoudre tous les problèmes de la France.

Monsieur Goasguen, nous nous donnons les moyens législatifs de prendre en considération les deux dimensions du projet de loi : une immigration maîtrisée et un droit d'asile effectif. Nous lions l'un et l'autre ca si nous ne parvenons pas à maîtriser l'immigration, un jour le droit d'asile sera supprimé. Il y a aussi des dispositions organisationnelles. Pour réduire à six mois l'examen de la demande, nous nous donnons les moyens de le faire. Vous avez voté en loi de finances la création de 150 équivalents temps plein (ETP) pour les préfectures, 35 pour l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), 51 en CNDA, 15 pour l'OFPRA.

Nous sommes en train de réduire la durée moyenne pour parvenir au guichet unique. Nous sommes à treize jours d'instruction en moyenne alors que nous étions à plus d'un mois quand je suis devenu ministre. L'objectif fixé au niveau européen est de trois jours.

Nous avons augmenté les éloignements et nous l'assumons totalement. Nous ouvrons 200 places supplémentaires en centres de rétention administrative (CRA) – des CRA que nous sommes en train de réaménager en vue de l'augmentation de la durée de rétention pour obtenir des laissez-passer consulaires.

Monsieur Petit, comme nous voulons réduire à six mois l'examen de la demande d'asile, notre choix est plutôt d'investir fortement sur l'intégration des personnes qui resteront en France, et on ne peut pas investir fortement partout à la fois. Quand des gens parlant le tigrigna arrivent en France, c'est un investissement complexe pour leur enseigner le français. Nous nous emploierons, dans la ligne du rapport de votre collègue Aurélien Taché, à augmenter le nombre d'heures de français, et pour accélérer l'accès à l'emploi. Les dispositifs mêlant cours de français et insertion professionnelle sont à mon avis extrêmement porteurs et il faudra les développer.

Le respect des droits de l'homme, monsieur David, c'est exactement ce que nous faisons. Nous sommes dans le respect de la convention de Genève et de l'ensemble de nos traités. Pour avoir entendu des récits à l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), je peux vous dire qu'on s'aperçoit vraiment, en les entendant, que nous sommes la patrie des droits de l'homme, par la façon dont nous accueillons les uns et les autres avec le maximum de dignité. Certes, tout n'est pas parfait, car si tout était parfait je ne vous présenterais pas de loi ; nous savons que notre système fonctionne mal et nous ne pouvons pas rester dans le statu quo.

Le préfet, madame Autain, ne vous a pas dit qu'il y avait 310 000 demandeurs d'asile en Île-de-France, car nous avons eu 100 000 demandes en France l'an dernier. Ce qu'il vous a dit, sans doute, c'est que les gens d'origine étrangère sur le territoire d'Île-de-France était, non pas, d'ailleurs, de 300 000, mais de 200 000, ce qui est déjà important. Avant d'être ministre, j'étais maire d'une grande ville et je sais que la solution n'est pas d'ajouter de la difficulté à la difficulté. Un adage dit que l'air de la ville rend libre. Il rend libre en raison de la rencontre mais, s'il n'y a plus de rencontre, si chacun est dans son coin, si les gens que vous accueillez vont toujours en Seine-Saint-Denis et jamais à Neuilly, cela peut conduire certains territoires à désespérer et à produire des déviations que nous serons les premiers à regretter et à condamner. Je veux faire une France vivable pour les dix prochaines années, pas une France qui connaisse des affrontements entre les uns et les autres. Si nous voulons conserver les valeurs de la République, il faut être responsable ; c'est comme cela que nous construirons l'avenir.

En ce qui concerne le délit de solidarité, si quelqu'un dit : « Je m'assois sur le code des frontières et je fais passer tous ceux qui sont en dehors de nos frontières », c'est un délit, sanctionné par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) et qui correspond très exactement à la transposition de la directive européenne du 28 novembre 2002, laquelle demande d'adopter des sanctions à l'encontre des personnes qui, par aide directe ou indirecte, ont facilité ou tentent de faciliter l'entrée, la circulation ou le séjour irrégulier d'une personne. Ces dispositions ont pour finalité de lutter contre les filières et ne visent pas celui ou celle qui apportera une aide individuelle à une personne en difficulté.

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