Intervention de Laurence Vichnievsky

Séance en hémicycle du mardi 3 avril 2018 à 15h00
Débat sur l'application d'une procédure d'amende forfaitaire au délit d'usage illicite de stupéfiants

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurence Vichnievsky :

Madame la présidente, madame la garde des sceaux, madame la ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur, madame la présidente de la commission des lois, messieurs les rapporteurs, chers collègues, permettez-moi tout d'abord de remercier les deux rapporteurs, MM. Éric Poulliat et Robin Reda, pour la qualité de leurs travaux.

Messieurs les rapporteurs, vous avez procédé à un constat sans complaisance de la lutte contre l'usage des stupéfiants en France, constat objectif auquel nous ne pouvons que souscrire : notre arsenal répressif n'a eu qu'un effet dissuasif limité sur la consommation de drogues, devenue au fil du temps un phénomène de masse. La peine principale d'emprisonnement n'est à peu près jamais appliquée pour un simple usage ; les mesures alternatives ne sont pas toujours adaptées et, surtout, ne font pas l'objet d'une application uniforme sur l'ensemble du territoire national. Le rappel à la loi banalise l'infraction et tend à en faire oublier la gravité en termes de santé publique, notamment en ce qui concerne les mineurs.

Pour remédier à cet échec, votre rapport d'information préconise de punir l'usage illicite de stupéfiants d'une amende forfaitaire, délictuelle ou contraventionnelle, dont le montant pourrait être compris entre 150 et 200 euros. Plus modérée que les peines actuellement encourues, cette sanction présenterait, à mon sens, plusieurs avantages. Elle apporterait une réponse relativement facile à mettre en oeuvre, adaptée au grand nombre d'infractions constatées sur le terrain ; parfaitement lisible par tous, elle serait effectivement appliquée sur l'ensemble du territoire. Son adoption préserverait le temps des magistrats comme celui des forces de l'ordre, le temps ainsi gagné pouvant être consacré plus utilement à la lutte contre le trafic de stupéfiants.

Au début des années 1980, alors que je travaillais à la Chancellerie, j'avais été en charge de la préparation d'une circulaire en matière d'usage et de trafic de stupéfiants, où nous préconisions déjà de laisser l'usage à titre principal au ministère de la santé et à l'intervention du social, pour pouvoir concentrer nos forces sur la lutte contre le trafic de stupéfiants. C'est bel et bien un sujet récurrent.

Enfin, cette amende forfaitaire ne réduirait pas la dissuasion relative à la consommation de stupéfiants. Cesare Beccaria avait déjà observé, en des temps anciens, que ce qui compte est la certitude de la peine plus que son importance. Pour l'ensemble de ces raisons, je suis tout à fait favorable aux propositions émises par les deux rapporteurs.

Je profiterai néanmoins de cette tribune pour formuler quelques observations complémentaires. Premièrement, la lutte contre l'usage de stupéfiants relève davantage d'une politique de santé publique que d'une politique répressive, l'une n'étant évidemment pas exclusive de l'autre. S'il est nécessaire de maintenir un interdit pénal, qui ne soit pas simplement symbolique, la première des réponses consiste en la prévention, fondée sur la sensibilisation et l'information, plus particulièrement auprès des jeunes. Nous savons organiser de telles campagnes.

Deuxièmement, comme le souligne le rapport, il n'est pas opportun d'opérer des distinctions entre les différents types de stupéfiants. Cela a été dit tout à l'heure : il n'y a pas de drogues douces. La génération post-soixante-huitarde a cru, pendant plusieurs années, qu'il y avait une distinction à faire entre les différentes drogues ; mais cela n'est pas exact. Toutes les études scientifiques menées récemment indiquent que les effets du cannabis sur le cerveau sont éminemment toxiques.

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