Intervention de Gisèle Biémouret

Séance en hémicycle du jeudi 5 avril 2018 à 9h30
Exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGisèle Biémouret :

Je tiens à revenir rapidement sur les effets pervers du dispositif, qui sont nombreux. Alors que l'heure supplémentaire correspond à un surcroît de production lorsque le système tourne à plein – elle est donc l'heure qui rapporte de plus – elle était subventionnée par l'État, en moyenne à hauteur de 6 à 7 euros de l'heure. Selon les rapports, cette mesure coûtait 0,23 % de PIB alors qu'elle ne rapportait que 0,15 % de croissance. Vous aviez donc réussi, comme cela a été rappelé en 2012, à créer une aide publique à crédit qui produisait moins de croissance qu'elle ne produisait de dette.

En outre, selon le rapport parlementaire de 2011 de Jean-Pierre Gorges, que j'ai déjà évoqué, l'application du dispositif était « marquée par un fort effet d'aubaine, un certain nombre d'heures supplémentaires effectuées mais non déclarées comme telles avant la réforme ayant bénéficié des allègements fiscaux et sociaux ».

Ceux qui en ont bénéficié le plus sont donc ceux qui avaient les revenus les plus importants. Dans votre exposé des motifs, vous évoquez le chiffre de 500 euros par an et par personne. Je ne le conteste pas. Mais vous oubliez de rappeler que la médiane est de 350 euros. Ainsi, plus vos revenus sont élevés, plus vous gagnez. Le rapport de votre ancien collègue le met bien en évidence, puisqu'il identifie plus de mille foyers fiscaux pour lesquels l'économie d'impôt s'est élevée à 8 000 euros. Pour chacun d'eux !

Enfin, ce dispositif coûte cher, très cher à l'État : presque 5 milliards d'euros. Or 5 milliards, c'est deux fois le montant du plan de lutte contre la pauvreté, que nous avions mis en place sous la précédente législature ; 5 milliards, c'est l'équivalent du montant investi dans le plan d'investissement pour l'agriculture ; 5 milliards, c'est l'équivalent du plan pour redynamiser nos centres-villes. Permettez-moi de me tourner alors vers la majorité et de lui poser cette question simple : si, comme le Gouvernement l'a récemment annoncé, vous mettez en oeuvre la désocialisation des heures supplémentaires en 2020, lequel de ces plans mettrez-vous à mal ?

Monsieur le rapporteur, il est malheureusement peu probable que votre texte fasse l'objet d'un débat sérieux dans cet hémicycle puisque la majorité a pris la fâcheuse habitude de déposer systématiquement des motions de procédure sur les textes venant de ses oppositions. Toutefois, le dispositif que vous nous proposez de rétablir pose une question fondamentale : appartient-il à l'État de subventionner les heures supplémentaires de ceux qui travaillent ?

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