Intervention de Paul Christophe

Séance en hémicycle du jeudi 5 avril 2018 à 9h30
Augmentation du pouvoir d'achat grâce à la création d'un ticket-carburant — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPaul Christophe :

Nous sommes également en faveur d'une généralisation de la procédure prévue à l'article 39 de la Constitution, qui prévoit la possibilité, à la demande du président d'une des deux assemblées parlementaires, de consulter le Conseil d'État sur une proposition de loi avant son examen par le Parlement.

Ce faisant, nous donnerions à la représentation nationale la capacité de se déterminer, en toute connaissance de cause, sur les textes qu'elle examine. Nous redonnerions ainsi, au-delà des postures politiques, un réel intérêt à ces séances consacrées aux textes émanant des groupes d'opposition.

La présente proposition de loi prévoit, dans le cadre d'un dialogue social à organiser au sein des entreprises, la possibilité d'une prise en charge des frais de carburant, qui pourrait représenter pour chaque salarié un gain financier de quelque 200 euros par mois, nets de cotisations et d'impôt. Il s'agirait d'une faculté et non d'une obligation, le dispositif pouvant être mis en place par la négociation collective ou par décision unilatérale de l'employeur. Nous souscrivons à ce choix qui traduit une confiance dans l'exercice de la démocratie sociale au sein des entreprises.

Pour autant, et cela a été souligné en commission, le dispositif que vous proposez a déjà existé par le passé sous la forme du chèque transport créé par la loi sur la participation et l'actionnariat salarié du 30 décembre 2006. Il s'agissait d'un titre spécial de paiement nominatif permettant à l'employeur de participer au financement des dépenses de transport de ses salariés entre leur domicile et leur lieu de travail. Le dispositif, complexe, avait toutefois rebuté les entreprises et son échec avait été patent. Il est vrai qu'il était plafonné à 100 euros par an, ce qui en limitait grandement le caractère incitatif.

Le dispositif que vous proposez s'en inspire et présente les mêmes lourdeurs : en effet, la création d'un ticket-carburant nécessiterait la mise en place d'organismes d'émission ainsi que de procédures d'habilitation et de contrôle, ce qui serait probablement coûteux en frais de gestion.

Par ailleurs, ce ticket-carburant viendrait s'ajouter aux mécanismes déjà existants de prise en charge par l'employeur des frais de transport des salariés. Je pense en particulier au dispositif prévu à l'article L. 3261-3 du code du travail, lequel permet à l'employeur de prendre en charge « tout ou partie des frais de carburant engagés [par les salariés] pour leurs déplacements entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail », dès lors que ceux-ci habitent ou travaillent hors du périmètre d'une autorité organisatrice de mobilité ou travaillent en dehors des horaires de fonctionnement des transports en commun. Cette prise en charge des frais de transport est exonérée d'impôt sur le revenu et exclue de l'assiette des cotisations et contributions sociales, dans la limite de 200 euros par an.

Nous sommes donc circonspects, tant l'ajout d'un nouveau dispositif risque de rendre le système encore plus complexe et de représenter une nouvelle contrainte pour les entreprises.

Par ailleurs, la proposition de loi dispose également que les entreprises pourront déduire leurs contributions au ticket-carburant de leur versement transport, afin d'éviter que l'employeur ne finance deux formes de mobilité au titre du même salarié. Cela pose la question de l'éventuelle incidence sur le montant du versement transport mais aussi du signal adressé, en particulier dans le cadre de l'encouragement des mobilités douces et au regard de nos engagements internationaux en faveur de la réduction de notre empreinte carbone.

D'autre part, même si nous comprenons que nous ne disposions pas aujourd'hui d'étude d'impact, nous regrettons tout de même l'absence de chiffrage précis, d'autant plus que ce nouveau dispositif du ticket-carburant s'inspire explicitement de celui du ticket-restaurant, dont le coût est évalué à environ 1,5 milliards d'euros par an. Il est vrai que les coûts fiscaux et sociaux doivent être envisagés au regard des externalités positives générées sur le plan économique et de l'impact attendu en matière de réduction des inégalités entre les grands centres urbains, leurs périphéries et les zones rurales. Il est vrai également que le dispositif n'aurait vocation à s'appliquer que pendant deux ans, avant son évaluation.

Si le dispositif envisagé est critiquable, cette proposition de loi soulève de vraies questions de justice sociale et d'égalité des territoires. Nous souhaitons donc que la discussion se prolonge sur le sujet.

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