Intervention de Bastien Lachaud

Séance en hémicycle du jeudi 5 avril 2018 à 15h00
Attribution de la carte du combattant aux soldats engagés en algérie entre le 2 juillet 1962 et le 1er juillet 1964 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBastien Lachaud :

Comment ne pas penser à la figure du colonel Chabert et à sa souffrance, si bien décrite par Balzac ? Déclaré mort à la bataille d'Eylau, il est en fait vivant mais méconnaissable. Revenu en France, ses biens ont été dilapidés et son épouse refuse de le reconnaître, de même que les sacrifices qu'il a consentis. Or c'est ce qu'aujourd'hui la République fait, honteusement, aux soldats engagés sur cette période comme des anciens combattants. Ils ont servi leur patrie, ils ont souffert et ceux qui sont revenus ne sont pas pleinement reconnus pour leur engagement. Le gros des bataillons était constitué par des appelés qui n'avaient pas le choix et qui ont été envoyés en Algérie par les gouvernements successifs. D'autres étaient engagés volontaires. Tous ont servi la France. Ils ont le droit aux honneurs qui leurs sont dus, comme tous les autres anciens combattants.

Avoir la carte du combattant, ce n'est pas la même chose que le titre de reconnaissance de la nation. La carte permet de bénéficier de la retraite du combattant et d'autres avantages financiers. Cet aspect financier des choses ne doit pas être négligé, notamment en période d'austérité où les retraités sont déjà si maltraités, en particulier à cause de la hausse de la CSG, qui se fait d'ailleurs durement sentir pour tout le monde. Toutefois, il ne s'agit pas seulement – et même pas essentiellement – d'une injustice financière. La carte est une reconnaissance symbolique et morale de la nation envers ces soldats qui ont été engagés pendant de longs mois. Elle donne droit au port de la croix du combattant, à la qualité de ressortissant de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre et au privilège de recouvrir le cercueil du drapeau tricolore.

Il ne faut pas négliger les symboles et les honneurs rendus à ceux qui ont combattu. Ils sont essentiels pour témoigner de la reconnaissance de la nation envers celles et ceux qui la servent, et au devoir de mémoire. Il est navrant de devoir constater que notre pays montre si peu de reconnaissance à l'égard de certains de ceux qui l'ont servi.

Je profite de cette tribune pour appeler votre attention sur le sort des auxiliaires afghans qui sont venus en aide à nos forces. Ces interprètes ont eu un rôle décisif dans les opérations que nous avons menées dans leur pays. Ils se sont exposés au feu, ont pris des risques, ont mis leur famille en danger ; certains sont morts d'avoir apporté leur concours au succès de nos armes. Aujourd'hui, la menace qui plane sur eux en Afghanistan est extrêmement grave. Pourtant, rien n'est fait, ou presque, pour accorder à ces hommes et à leur famille la protection que leur engagement aurait dû leur garantir. Ils font face à un mur d'incompréhension et d'inhumanité. Il n'est pas immédiatement au pouvoir de notre assemblée de changer la situation des auxiliaires mais je voulais vous interpeller, mes chers collègues – et surtout le Gouvernement – , en donnant un exemple de plus du décalage qui peut exister entre les protestations de patriotisme et les actes de reconnaissance réellement posés en faveur de ceux qui ont servi la patrie.

Voter cette proposition de loi serait tout à l'honneur de notre assemblée. Ce serait la moindre des choses que de réparer cette injustice qui dure depuis plus de soixante ans et ce ne serait pas un bien grand effort en comparaison de ce qu'ils ont fait pour le pays. Si le groupe La France insoumise en vient à défendre une proposition de loi issue de rangs manifestement opposés aux siens, c'est que le sujet nécessite l'union du pays derrière ses soldats, par-delà les clivages politiques habituels. Dans notre époque si complexe, où l'unité du pays est trop souvent menacée, il serait bon de montrer l'union indéfectible de la représentation nationale derrière les soldats engagés pour la patrie.

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