Intervention de Marie Tamarelle-Verhaeghe

Séance en hémicycle du jeudi 5 avril 2018 à 15h00
Attribution de la carte du combattant aux soldats engagés en algérie entre le 2 juillet 1962 et le 1er juillet 1964 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie Tamarelle-Verhaeghe :

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, la guerre d'Algérie a longtemps été taboue. Mon oncle, qui l'a faite, ne m'en a jamais parlé. Si les langues se sont déliées, il reste difficile encore de mettre des mots sur la souffrance tant des Français que des Algériens.

Une fois n'est pas coutume, je tiens à vous lire une lettre que m'a envoyée un habitant de ma circonscription sur l'attribution de la carte du combattant. « Madame la députée, je me permets d'attirer votre attention sur l'attribution de la carte du combattant aux militaires ayant servi en Algérie après juin 1962. Je suis personnellement concerné. Après quatre mois de classes à Draguignan, jusqu'en décembre 1962, début 1963 j'ai été envoyé en Algérie jusqu'en novembre 1963, date à laquelle nous quittons l'Afrique du Nord. Si, à cette époque, il y avait un peu plus de sécurité qu'avant l'indépendance, on ne peut pas dire que celle-ci était totale, loin de là. Nous en avons pour preuve les statistiques officielles qui font état de presque 600 soldats tués par faits de guerre entre juin 1962 et juillet 1964. Ces malheureux ont eu droit à la mention "mort pour la France", comme leurs malheureux prédécesseurs décédés avant juin 1962. Pour nous, il y a quelques années, on nous a attribué le titre de reconnaissance de la nation. Cela aussi a un sens. »

J'ai reçu, comme vous sûrement, de nombreux témoins, qui m'ont interpellée sur cette reconnaissance.

La discussion de cette proposition de loi est l'occasion d'exprimer notre profonde envers ceux qui ont risqué et risquent encore leur vie pour assurer la sécurité des Français – je ne peux pas ne pas mentionner, à cet égard, le lieutenant-colonel Arnaud Beltrame.

Pourquoi avoir créé cette carte ? Après la Première Guerre mondiale, un consensus a été trouvé sur la nécessité morale d'une reconnaissance nationale envers les poilus. L'attribution de la carte du combattant ouvre à ses bénéficiaires des droits sociaux et financiers, mais elle a aussi une portée symbolique importante. Instituée par la loi de finances du 19 décembre 1926, pensée pour les soldats de la première génération du feu, cette carte a été progressivement attribuée aux anciens combattants des conflits ultérieurs. Elle trouve aujourd'hui pleinement son sens dans la reconnaissance de la nation envers ceux qui l'ont servie au combat.

Tout au long du XXe siècle, des débats ont eu lieu sur les critères d'attribution de la carte du combattant, du lendemain de la Première Guerre mondiale à l'octroi de la carte « à cheval », déjà évoquée tout à l'heure, par la loi de finances pour 2014. Nous voilà aujourd'hui face à un nouveau débat.

Pendant la campagne, le Président de la République s'est dit favorable à l'élargissement de l'attribution de la carte du combattant aux militaires présents en Algérie jusqu'en juillet 1964. Dès votre entrée en fonction, madame la secrétaire d'État, vous vous êtes engagée à ouvrir cette question et à évaluer rapidement les impacts d'une telle mesure.

Permettez-moi un rappel historique sur la période allant de 1962 à 1964. Les pourparlers de mars 1962 entre le gouvernement français et le gouvernement provisoire de la République algérienne ont abouti à un cessez-le-feu et aux accords d'Évian. Ceux-ci prévoyaient le règlement des questions militaires dans le cas où l'indépendance serait retenue à la suite du référendum : les effectifs des forces françaises devaient être ramenés à 80 000 dans un délai de douze mois, tandis que le rapatriement total des troupes devait intervenir rapidement, au bout de vingt-quatre mois, soit au plus tard le 1er juillet 1964.

Les opérations militaires se sont donc poursuivies après le 2 juillet 1962. À ce titre, les militaires présents en Algérie après cette date bénéficient d'ores et déjà de deux dispositifs. Outre le titre de reconnaissance de la nation, qui leur ouvre droit au port de la médaille de reconnaissance de la nation, à la souscription d'une rente mutualiste et les rend ressortissants de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre, la carte « à cheval », instituée par la loi de finances pour 2014, a permis d'étendre le bénéfice de la carte du combattant aux militaires justifiant d'un séjour de quatre mois en Algérie, entamé avant le 2 juillet 1962 et s'étant prolongé au-delà.

Cependant, des doutes demeurent quant à l'évaluation des impacts de l'attribution de la carte du combattant pour cette période. C'est le principal frein à cette nouvelle mesure. Une concertation avec les associations du monde combattant a commencé, et il s'agit désormais d'évaluer avec une grande précision les incidences financières d'une telle mesure. Les chiffres cités par M. le rapporteur méritent d'être affinés. Une incertitude demeure s'agissant du budget nécessaire et du nombre de bénéficiaires : ce dernier pourrait être compris entre 25 000 et 75 000, et le budget annuel de 16 millions d'euros évoqué par M. le rapporteur pourrait être largement dépassé.

Cette proposition de loi a la vertu de nous permettre de parler du monde combattant et, plus spécifiquement, de la période allant de 1962 à 1964, qui a déjà fait l'objet de dix propositions de loi et de centaines de questions écrites mais, compte tenu des doutes concernant ses impacts, ce texte ne peut être satisfaisant.

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