Intervention de Clara Gaymard

Réunion du jeudi 22 mars 2018 à 11h00
Commission d'enquête chargée d'examiner les décisions de l'État en matière de politique industrielle, au regard des fusions d'entreprises intervenues récemment, notamment dans les cas d'alstom, d'alcatel et de stx, ainsi que les moyens susceptibles de protéger nos fleurons industriels nationaux dans un contexte commercial mondialisé

Clara Gaymard, co-fondatrice du fonds de dotation « Raise » et ancienne présidente de la filiale française du groupe américain General Electric (GE) :

Contrairement à ce que vous pouvez penser, le regard de General Electric sur l'administration française a été assez positif. Bien sûr, il y a eu les soubresauts liés à l'annonce de Bloomberg, bien sûr Arnaud Montebourg souhaitait trouver une solution européenne contre celle de General Electric, mais les discussions, tant au niveau politique qu'avec l'Agence des participations de l'État, ont toujours été cordiales, extrêmement franches, et reposaient sur la confiance. En réalité, General Electric ne s'est jamais senti l'accusé puisqu'il venait proposer une acquisition. Les demandes du Gouvernement – des pôles mondiaux, des centres de recherche, des créations d'emplois – étaient, aux yeux de Jeffrez Immelt, si je peux parler en son nom, légitimes, même si le Gouvernement aurait incontestablement préféré, ce qui est tout à fait normal, qu'Alstom puisse continuer à voler de ses propres ailes. Mais dans la mesure où ce n'était pas le cas, les discussions avec l'administration étaient cordiales et très solides sur le plan technique. Quand on en est venu à la question des joint-ventures, de la souveraineté sur la partie nucléaire, les discussions ont été extrêmement techniques, solides, pour trouver une solution qui protège les intérêts du Gouvernement français. Il y avait beaucoup d'écoute. Jeffrey Immelt a dit à plusieurs reprises qu'il s'agissait des meilleurs conseils qu'il avait eus. Donc, mis à part les aspects médiatiques qui n'étaient vraiment pas prévus, il n'y a pas de mauvais souvenirs.

Quant à votre question relative aux investissements étrangers en France, je me demande toujours ce qu'est un investissement français et ce qu'est un investissement étranger. Quand vous regardez aujourd'hui qui détient les actions du CAC 40, vous remarquez que la statistique varie sans cesse. On passe de 50 à 60 % selon les jours et selon les entreprises détenues par des investisseurs étrangers. Est-ce le siège social en France qui compte ou la nationalité du dirigeant ? Je ne sais plus très bien ce qu'est la nationalité d'une entreprise mondiale. Et quand on regarde – c'est mon métier aujourd'hui – quels sont les investissements dans les jeunes entreprises et dans les PME françaises, on voit qu'elles s'internationalisent très rapidement pour conditionner leur réussite. Je prendrai l'exemple d'une acquisition sur laquelle Raise s'est placée et qui s'appelle Babilou. C'est une entreprise française qui conçoit des crèches en entreprise et qui réussit magnifiquement. Son dirigeant a fait une acquisition en Allemagne et est allé s'installer là-bas pendant trois ans avec femme et enfants. Cela reste une très belle entreprise née en France, qui se développe à l'international. Je m'interroge donc sur ce que veut dire la nationalité de l'entreprise. Ce qui est important, c'est que les centres de décision et les centres stratégiques soient en France, pour en assurer la pérennité.

Qu'est-ce qui manque à l'attractivité française ? D'abord, beaucoup de progrès ont été faits. Le tempérament entrepreneurial français joue énormément aujourd'hui. Sans faire de politique, je crois que le climat politique aujourd'hui joue aussi beaucoup dans l'image de l'attractivité française. Ce qui manque, c'est d'être dans les tout premiers, dans les secteurs qui comptent, c'est-à-dire le digital, l'intelligence artificielle, la robotique, bref dans ce qui va déterminer notre avenir. L'urgence, la priorité, c'est de permettre à la France d'avoir des licornes françaises qui naissent dans ces secteurs-là, et des licornes mondiales qui viennent s'implanter sur le sol français et utilisent notre capacité intellectuelle, nos cerveaux, la qualité de notre main-d'oeuvre et de notre formation. Tout est loin d'être parfait. Il reste beaucoup de choses à faire en matière d'éducation. L'urgence, à mes yeux, c'est vraiment de gagner. On a perdu le combat du e-commerce, même si rien n'est jamais perdu, on a perdu le combat des GAFA, mais leur survie n'est pas éternelle. Aujourd'hui, d'autres enjeux se placent sur de nouvelles technologies qui émergent et il n'y a aucune raison que la France n'y prenne pas sa part.

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