Intervention de David de Rothschild

Réunion du jeudi 22 mars 2018 à 14h30
Commission d'enquête chargée d'examiner les décisions de l'État en matière de politique industrielle, au regard des fusions d'entreprises intervenues récemment, notamment dans les cas d'alstom, d'alcatel et de stx, ainsi que les moyens susceptibles de protéger nos fleurons industriels nationaux dans un contexte commercial mondialisé

David de Rothschild, président de Rothschild & Co :

Permettez-moi de vous donner un exemple d'une situation qui deviendrait compliquée si nous devions être représentants d'intérêts.

Imaginons que nous ayons pour client une société X préparant une fusion ou une opération importante. Quel est le premier devoir qui s'impose à nous ? Le secret. Dès lors que nous travaillons avec des entreprises cotées, toute fuite constitue un délit d'initié. La cybercriminalité est désormais l'un des problèmes obsédants pour les maisons comme la nôtre. Si vous m'interrogiez sur la liste de mes préoccupations, je placerais aujourd'hui en tête, ce que je n'aurais jamais fait il y a cinq ou dix ans, cette question : « Comment être sûrs que nous protégeons les données des clients ? » Nous avons à leur égard une très forte responsabilité morale. La seconde question préoccupante serait la suivante : « Comment éviter tout délit d'initié lors de la préparation d'un projet de fusion de deux entreprises ? »

Si la société X venait nous voir au mois de septembre, nous aurions dans les mois qui suivent des conversations avec l'État. Sur un dossier complexe, nous l'aurions même rencontré à plusieurs reprises. Au début de l'année suivante, si nous étions représentants d'intérêts, nous devrions déclarer ces conversations avec l'État ainsi que les sujets abordés. Mais alors, comment concilier l'impératif de transparence auquel doivent répondre les représentants d'intérêts, et les règles du secret qui s'appliquent à une opération impliquant une entreprise cotée ? La déclaration publique, d'un côté, est totalement contraire aux règles édictées, de l'autre, par l'AMF et les marchés.

Personne n'est contre la transparence qui est indispensable pour des raisons éthiques. En revanche, la transparence appliquée à un métier comme le nôtre devient très rapidement un nid à embrouilles. C'est tout simplement la vérité ! Je serais ravi d'être un représentant d'intérêt ; ce n'est pas le sujet. Je dis seulement que si la plupart des banques n'ont pas fait ce choix, ce n'est pas un hasard.

Évidemment, nous serons extrêmement attentifs à nos actions afin de pouvoir répondre à des questions qui nous seraient posées : nous tenons la liste des visites ou des contacts avec l'État. Mais, l'exemple théorique que je vous ai donné montre la contradiction entre, d'une part, le droit boursier, la protection du secret des affaires et celle contre les risques engendrés par la cybercriminalité, et, d'autre part, une espèce de transparence un soupçon naïve dans son approche.

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