Intervention de Olivier Marleix

Réunion du jeudi 29 mars 2018 à 16h30
Commission d'enquête chargée d'examiner les décisions de l'État en matière de politique industrielle, au regard des fusions d'entreprises intervenues récemment, notamment dans les cas d'alstom, d'alcatel et de stx, ainsi que les moyens susceptibles de protéger nos fleurons industriels nationaux dans un contexte commercial mondialisé

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Marleix, président :

Mes chers collègues, nous auditionnions aujourd'hui M. Keith Carr dans le cadre d'une série d'auditions visant à mieux comprendre l'éventuel impact de la procédure engagée par le gouvernement américain à l'encontre d'Alstom en vertu du Foreign Corrupt Practices Act (FCPA).

Précédemment, nous avons auditionné M. Bruno Vigogne, chief compliance officer chez Alstom SA, et M. Pierre Laporte, ancien juriste du groupe Alstom.

Monsieur Carr, vous êtes juriste et avocat de formation. Vous avez débuté votre carrière dans un groupe britannique d'ingénierie puis dans un cabinet d'avocats comme spécialiste des activités de redressement d'entreprises.

En 1995, vous êtes entré chez ABB pour devenir directeur juridique pour toutes les activités britanniques d'ABB dans le secteur de l'énergie. Après la fusion de certaines de ces activités avec Alstom, vous avez pris en charge la direction juridique et les contrats de l'activité turbines à gaz d'Alstom pour le monde. Cette activité était basée à Baden en Suisse.

En 2004, vous avez été nommé directeur juridique adjoint de la branche « Énergie » d'Alstom, donc d'Alstom « Power », puis directeur juridique en 2005.

Le 1er avril 2011, vous êtes devenu directeur juridique de l'ensemble du groupe Alstom et ainsi rapportiez directement à M. Patrick Kron. Vous étiez en poste au moment du rachat de la branche « Énergie » d'Alstom par General Electric et avez été signataire du plaider coupable d'Alstom du 22 décembre 2014.

Vous êtes ensuite devenu un des directeurs juridiques de General Electric et vous êtes actuellement directeur juridique du groupe LafargeHolcim.

Notre commission d'enquête souhaiterait vous entendre sur quatre thèmes.

Premier sujet : nous aimerions que vous dressiez une chronologie précise et factuelle de la procédure du Foreign Corrupt Practices Act et des échanges entre Alstom et le Department of Justice (DoJ).

Quand avez-vous été informé que le DoJ avait lancé une enquête sur Alstom ? M. Laporte et M. Vigogne, anciens cadres d'Alstom, ont indiqué que M. Kron en avait été informé au début de l'année 2010. Confirmez-vous cette date ? Par qui et comment en a-t-il été informé ?

M. Fred Einbinder était directeur juridique du groupe Alstom de juillet 2006 à janvier 2011 ; vous l'avez donc remplacé. Selon M. Laporte, M. Einbinder aurait été licencié assez brutalement parce qu'il recommandait de coopérer avec les autorités américaines, ce que ne souhaitait pas M. Kron. Quelle était alors votre position quant à la nécessité ou non de coopérer avec le DoJ ?

Quand l'entreprise a-t-elle finalement accepté de coopérer avec le DoJ ?

Comment s'est déroulée cette coopération ? Combien de réunions ont eu lieu entre M. Kron et le DoJ aux États-Unis ? À quelles dates ? M. Laporte nous a parlé d'une réunion de travail qui est intervenue dès 2013. Est-ce exact ?

Quelles sont les dispositions personnelles des accords avec le DoJ concernant M. Kron, M. Poupart-Lafarge, M. Lainé, M. Marie et vous-même, dispositions qui auraient protégé de poursuites ou qui, au contraire, auraient réservé la possibilité de poursuites ?

Au cours de ces discussions avec le DoJ, avez-vous eu recours à la loi dite « de blocage » ?

Quel est le montant des frais d'avocats qui ont été à la charge d'Alstom, liés à la procédure dite de discovery avec le DoJ ?

La deuxième série de questions porte sur le fond et sur les faits de corruption chez Alstom.

En 2011 et en 2012, vous avez participé à une procédure avec la Banque mondiale qui s'est traduite en 2011 par le paiement d'une amende de 36,5 millions de francs suisses.

Des investigations ont été menées en profondeur par un cabinet américain, Winston and Strawn, qui ont pointé des phénomènes de corruption chez Alstom. Qui a commandé ces investigations ?

Quelles ont été les mesures prises par M. Patrick Kron pour remédier à ces mauvaises pratiques, connues de lui en 2011 et en 2012 ?

Par ailleurs, vous avez été juriste pendant vingt ans, puis chez General Courser d'Alstom Power, la division la plus sévèrement condamnée par la DoJ. Aviez-vous constaté un problème de corruption dans les appels d'offres ? Connaissiez-vous le rôle d'Alstom Prom devenu Alstom International Network ? Cette entité juridique servait à rémunérer les consultants ; elle était l'entité par laquelle s'organisait la corruption. Quand a-t-elle été fermée et qu'avez-vous fait pour remédier à la problématique de corruption chez Alstom ?

Vous avez été le juriste de M. Philippe Joubert, Président d'Alstom « Power » pendant de longues années et Président d'Alstom International Network. Quel rôle a joué M. Joubert dans la conception du système de paiement des consultants ?

Le troisième axe de nos questions porte sur le cas de Frédéric Pierucci.

M. Bruno Vigogne, ancien cadre d'Alstom, que nous avons auditionné, a mentionné une note diffusée au début de l'année 2013 dans laquelle il identifiait une trentaine ou une cinquantaine de personnes potentiellement « à risque », en indiquant la marche à suivre, les cabinets d'avocats américains à contacter, en leur rappelant leurs droits et obligations s'ils étaient arrêtés au cours de voyages et questionnés par les autorités américaines. Avez-vous eu connaissance de cette note ? Cette note a-t-elle été diffusée avant ou après l'arrestation de M. Pierucci ? Étiez-vous personnellement considéré comme « à risque » ?

Selon M. Laporte, M. Pierucci vous aurait demandé, peu avant son arrestation à New York, alors qu'il était à Singapour, s'il pouvait se rendre aux États-Unis, et vous lui auriez donné une réponse positive. Confirmez-vous ces faits ?

Quel était l'état des négociations avec le DoJ avant l'arrestation de Frédéric Pierucci, en avril 2013 ? Il semble que vous soyez allé le lendemain à New York rencontrer le DoJ, est-ce exact ?

Pourquoi Alstom n'a-t-il pas fait jouer l'assurance directors and officers du groupe au profit de Frédéric Pierucci ? Le directeur des assurances rapportait directement. Or, Frédéric Pierucci nous a indiqué qu'il vous avait téléphoné au moment de son arrestation et que vous lui avez fourni un avocat d'Alstom et non un avocat fourni par l'assurance directors and officers, ce qui a lui causé ensuite des difficultés pour se défendre. Est-ce exact ?

Le dernier volet de questions porte sur les discussions avec General Electric.

Votre nom est mentionné à plusieurs reprises dans la presse pour avoir été l'un des premiers négociateurs avec General Electric pour la partie Alstom, avec un autre cadre d'Alstom, M. Poux-Guillaume, qui dirigeait la division « Grid » d'Alstom. Est-ce exact ?

À quelle date les premiers contacts ont-ils été pris entre Alstom et General Electric relatifs à la vente d'Alstom « Power » à General Electric ?

Il a été dit que General Electric avait participé aux dernières réunions entre Alstom et le DoJ. La caution de General Electric a semblé nécessaire après le plaider coupable, donc après le 22 décembre. Pouvez-vous nous confirmer les faits ? La caution de GE aurait été nécessaire pour permettre à Alstom d'obtenir des délais de paiement exceptionnels de l'amende, celle-ci ayant été payée après le rachat de la branche « Power », c'est-à-dire fin 2015, soit un an après avoir été prononcée.

M. Kron a annoncé à ses actionnaires que l'amende serait payée par General Electric. M. Kron a-t-il pu penser que le DoJ accepterait le paiement de l'amende par un tiers et non par Alstom ? Des conseils ont-ils préconisé cette hypothèse qui s'est rapidement avérée impossible aux yeux du DoJ ?

Je vous rappelle que les témoignages devant les commissions d'enquêtes se font sous serment. Conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, je vais vous demander, monsieur Carr, de prêter serment.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.