Intervention de Keith Carr

Réunion du jeudi 29 mars 2018 à 16h30
Commission d'enquête chargée d'examiner les décisions de l'État en matière de politique industrielle, au regard des fusions d'entreprises intervenues récemment, notamment dans les cas d'alstom, d'alcatel et de stx, ainsi que les moyens susceptibles de protéger nos fleurons industriels nationaux dans un contexte commercial mondialisé

Keith Carr, directeur juridique du Groupe LafargeHolcim, ancien cadre d'Alstom et de General Electric :

(Interprétation de l'anglais.) Il me semble qu'avant de produire ces documents aux États-Unis, il fallait que des autorités judiciaires – dont je ne connais pas le titre exact – en valident la communication.

Je n'ai pas en mémoire le montant exact des frais qui revenaient à la charge d'Alstom liés à nos conseils juridiques, mais il s'agit de dizaines de millions de dollars.

Le deuxième thème que vous souhaitez aborder porte sur les faits de corruption chez Alstom. Même s'il est exact qu'un accord ait été passé en 2012 avec la Banque mondiale, la somme de 36,5 millions de francs suisses ne concernait pas une procédure avec la Banque mondiale mais une procédure engagée par l'Avocat général de la Confédération helvétique.

J'ai compris que votre question concerne les enquêtes menées par le cabinet américain Winston and Strawn sur d'éventuels faits de corruption. Pendant près d'un an, ce cabinet composait le service juridique auprès du Department of Justice en charge de cette question. Par la suite, ce cabinet fut remplacé par le cabinet d'avocats Patton Boggs. Nous avons utilisé les conclusions des enquêtes menées par les deux cabinets pour remédier à des anomalies en lien avec des procédures ou des personnes physiques, voire d'autres encore. À partir de 2010, un observateur a été désigné en conformité avec les dispositions émises par la Banque mondiale. Il avait pour mission de suivre nos efforts de mise en conformité.

Par ailleurs, j'ai participé à deux réunions avec le Department of Justice pour débattre des mesures à prendre pour combattre une possible corruption. Une cinquantaine de mesures de vigilance ont été engagées. Elles portaient sur des comportements à identifier et sur l'octroi de contrats à des parties tierces. Alors en fonction, je rapportais à M. Patrick Kron, mais également au conseil d'administration. Au cours de réunions du conseil d'administration, nous avons débattu de l'ensemble des actions engagées et des efforts d'amélioration en cours. Tant Patrick Kron, le conseil d'administration que le comité exécutif étaient informés des actions que nous souhaitions entreprendre, auxquelles ils ont donné leur accord.

S'agissant de la régularité des appels d'offres, je n'ai personnellement pas constaté de faits de corruption. Il convient de garder à l'esprit qu'Alstom disposait d'un réseau de consultants externes pour l'aider dans ses démarches commerciales. Le groupe traitait des affaires dans 70 pays et employait plus de 90 000 personnes, mais n'avait pas mis en place de système de contrôle dans tous les pays où il souhaitait mener des activités commerciales.

Cela l'avait amené à employer des consultants externes pour l'assister. Avec le recul, je relève que certains des contrôles que nous avons instaurés ne se sont pas révélés totalement efficaces. Selon moi, les mesures prises par Alstom Prom n'ont pas été mises en place pour éviter des poursuites ou des problèmes liés à la corruption, elles étaient destinées à se prémunir contre la corruption.

Au début des années 2000, Alstom a sollicité des conseils juridiques pour contrôler les consultants externes, avec pour effet la mise en place d'un système central qui devait être respecté dans tous les pays où Alstom menait des activités. C'est ainsi qu'aucune décision ne pouvait être prise sans que le siège réalise un audit préalable et sans qu'il valide les opérations souhaitées. Alstom Prom était géré ou surveillé par notre département « Conformité » afin de s'assurer que tout conseiller employé soit contrôlé et agréé par le département d'audit préalable. Il fallait également que ce conseiller soit efficace dans son travail et que l'ensemble des services rendus soient certifiés par le département d'Alstom Prom.

Je ne connais pas les dates exactes de la fermeture d'Alstom Prom, mais celle-ci a fait partie de la procédure de plaider coupable. Je crois que les activités de la société ont été alors interrompues. Je ne connais pas exactement les suites qui ont été données.

Alstom a décidé de ne plus utiliser de parties tierces comme consultants commerciaux, car la société avait constaté que si leurs conseils étaient fondés, des problèmes se posaient néanmoins.

Depuis 2011, en tant que directeur juridique, j'ai constaté que les intentions et les mesures de la société visaient à une amélioration constante de la conformité. C'est ainsi que nous avons triplé les effectifs alloués au département « Conformité » pour atteindre un effectif de 35 employés. Nous avons également mis en place des systèmes et des opérations de contrôle.

J'en arrive au rôle de M. Philippe Joubert dans la conception du système de paiement des consultants. Je pense qu'il n'a joué aucun rôle. Avant 2009, le réseau international disposait déjà du département « Conformité ». Il réalisait du reporting séparé, incluant Interlegal. La validation et le contrôle des paiements faisaient partie des standards de conformité.

J'en viens au troisième thème portant sur le cas de M. Frédéric Pierucci.

Vous vous êtes référé à une note diffusée en 2013 dans laquelle M. Bruno Vigogne mettait en avant une trentaine ou une cinquantaine de personnes qui étaient identifiées potentiellement « à risques ». J'étais au courant de cette note, qui a circulé après l'arrestation de M. Frédéric Pierucci.

M. Pierucci a souhaité se rendre aux États-Unis. J'ai pris conseil auprès de notre équipe de juristes qui m'a informé que les enquêtes diligentées par les autorités américaines se situaient soit à un stade préliminaire, soit à un stade intermédiaire. J'ai informé M. Pierucci qu'à ce moment précis de l'enquête, le Department of Justice ne pouvait prendre de mesures à l'encontre ni de la société ni des individus. Il n'en demeure pas moins qu'à la surprise de la société et des avocats extérieurs un mandat d'arrêt a été délivré sous scellés à l'encontre de M. Pierucci.

À la question portant sur l'état des négociations avec le DoJ avant ou pendant l'arrestation de M. Pierucci, à ma connaissance aucune négociation n'a eu lieu.

Que ce soit le lendemain ou après, je ne me suis pas rendu à New York pour rencontrer le DoJ concernant M. Pierucci.

Pourquoi Alstom n'a-t-il pas fait jouer l'assurance directors and officers ? Que la société d'assurance paye ou non, la société Alstom avait pris la décision de régler les frais d'avocat pour soutenir les employés à l'encontre desquels des poursuites seraient engagées.

Je ne pense pas qu'il existe un quelconque conflit avec l'avocat de M. Pierucci. Nos avocats extérieurs ont fait appel aux services d'un avocat très réputé aux États-Unis qui, si mes souvenirs sont bons, était, dans ses fonctions antérieures, l'un des membres les plus haut placés du ministère public du Connecticut. Même si Alstom était d'accord pour payer les frais d'avocat de M. Pierucci, le service fut rendu pour le compte et le bénéfice de M. Pierucci, en aucun cas pour la société Alstom.

J'en viens au quatrième thème relatif aux discussions engagées avec General Electric.

J'ai fait partie d'une petite équipe qui a été impliquée dans la vente d'Alstom « Power » à General Electric. Les discussions ont débuté en février 2014. Une rencontre a eu lieu entre M. Kron et M. Reimelt une ou deux semaines avant que j'aie été contacté. Mon premier contact au titre de cette opération a eu lieu au mois de février 2014.

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