Intervention de Nicole Belloubet

Séance en hémicycle du mercredi 26 juillet 2017 à 21h30
Confiance dans la vie publique — Article 3

Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice :

En revanche, il nous appartient de légiférer clairement et fermement, mais aussi lucidement. Il ne me semble donc pas utile de faire figurer dans le texte des éléments qui certes répondent à nos préoccupations, mais se trouvent déjà dans d'autres textes législatifs. Je pense en particulier aux emplois fictifs. C'est vrai, nous cherchons tous à les éradiquer, mais il existe pour cela des règles générales du code pénal, comme le détournement de fonds publics, souvent utilisé pour sanctionner les emplois fictifs dans les collectivités territoriales. Il n'est pas utile de les répéter ici, c'est pourquoi nous nous sommes attachés à d'autres paramètres.

Il nous est également apparu indispensable que le Gouvernement soit concerné – et il l'est, contrairement à ce que j'ai pu entendre – par l'interdiction des emplois familiaux. Simplement, pour des raisons juridiques, cette interdiction ne se trouve pas dans ce texte-là. Le Conseil constitutionnel a jugé à de nombreuses reprises que le principe de séparation des pouvoirs s'appliquait aux membres du Gouvernement. S'il appartient exclusivement à la loi, en application de l'article 34 de la Constitution, de déterminer les crimes et les délits, ainsi que les peines qui leur sont applicables et la procédure pénale, le principe de séparation des pouvoirs impose au législateur d'assurer une conciliation qui ne soit pas déséquilibrée entre les deux principes – séparation des pouvoirs et compétence du législateur pour déterminer les crimes et les délits.

Tel est l'objet de cet amendement, qui respecte le principe de légalité des délits et des peines dès lors que la loi prévoit l'incrimination pénale, mais renvoie au pouvoir réglementaire le soin d'en déterminer les modalités d'application.

Le Conseil constitutionnel a en effet jugé, en 1982 et 2011, qu'il était possible de renvoyer à une norme inférieure la définition de certains éléments constitutifs d'une infraction. Le décret du 14 juin 2017, que j'ai déjà cité, a précisément été pris en ce sens : il a anticipé pour le Gouvernement ce que nous allons décider aujourd'hui pour les membres du Parlement et les autres exécutifs, et cela de manière élargie.

Le texte fixe en effet le cercle de l'interdiction du recrutement familial. Je vous propose donc de supprimer le I de l'article 3, comme cela avait été proposé par la commission, puisqu'il a le même objet que le décret dont je vous parle, de maintenir la sanction pénale prévue par le dispositif législatif – trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende – , ainsi que le remboursement des sommes indûment versées. Un décret en Conseil d'État devra par ailleurs prévoir les conditions d'information de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique en cas d'emplois croisés, ce qui répond à une autre de vos préoccupations.

La HATVP pourra en outre enjoindre à un membre du Gouvernement de faire cesser toute situation de conflit d'intérêts en cas d'emplois croisés. Il me semble que nous mettons ainsi en place un dispositif cohérent, par décret pour les membres du Gouvernement et par voie législative pour les parlementaires.

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