Intervention de Mounir Mahjoubi

Séance en hémicycle du jeudi 12 avril 2018 à 9h30
Protection des données personnelles — Article 14

Mounir Mahjoubi, secrétaire d'état chargé du numérique :

Si vous me le permettez, monsieur le président, je consacrerai un assez long développement à cet amendement, comme je l'ai fait au Sénat. En effet, je souhaitais vous apporter des informations très claires et très précises sur cet amendement qui a fait l'objet de nombreux débats. Cela me permettra de mettre en perspective les enjeux des discussions des dernières semaines.

Le présent amendement a vocation à rétablir une disposition de la loi du 8 mars 2018 relative à l'orientation et à la réussite des étudiants qui a été supprimée par le Sénat. Pour mettre un terme à l'opacité qui entourait la plateforme APB, le Gouvernement a souhaité refondre les modalités d'entrée dans l'enseignement supérieur autour de deux exigences fondamentales qui ont guidé notre réflexion dans la rédaction de ces dispositions. La première exigence consiste à remettre de l'humain dans la procédure d'affectation, en écartant toute prise de décision sur le seul fondement d'un algorithme. La seconde consiste à garantir la transparence de la procédure d'affectation et les droits des étudiants. L'article L. 612-3 du code de l'éducation, issu de la loi ORE permet de garantir un niveau exigeant de transparence, jusqu'alors inédit dans l'accès à l'enseignement supérieur.

La loi a inscrit un principe fort : le critère retenu pour l'examen des voeux est la cohérence entre le profil du candidat et les attendus de la formation demandée. Les critères d'examen des voeux sont connus, publics, affichés sur Parcoursup dans les caractéristiques des formations. Ils sont donc accessibles à tous. Cela est vrai pour les 13 000 formations déjà référencées dans Parcoursup, y compris celles qui sont sélectives.

Le II de l'article L. 612-3 précité prévoit la publication de tous les algorithmes de Parcoursup, c'est-à-dire ceux qui permettent le fonctionnement de la plateforme au niveau national, mais aussi la publication de l'outil d'aide à la décision qui est mis à la disposition des établissements pour les appuyer dans leur travail. On rend ainsi publics l'algorithme principal comme l'algorithme spécifique et, pour chaque établissement, tous les critères qui auront été utilisés pour l'évaluation.

Au sein des établissements, toutes les mesures ont été prises pour garantir une intervention humaine sur chaque dossier, ce qui était essentiel. Le décret d'application de la loi instaure, pour chaque formation, une commission d'examen des voeux, principalement composée d'enseignants, chargée d'examiner et de classer les dossiers. Ces instances sont constituées, j'y insiste, d'enseignants, c'est-à-dire d'être humains, de femmes et d'hommes qui vont regarder chacun des dossiers. Comme son nom l'indique, l'outil d'aide à la décision, dont le code sera publié, n'est qu'un appui à la commission d'examen composée de femmes et d'hommes experts du sujet.

La commission peut décider – certaines l'ont déjà fait – de ne pas utiliser l'algorithme spécifique. Si la commission souhaite l'utiliser, elle doit alors paramétrer l'outil en fonction des éléments d'appréciation pédagogiques qu'elle seule peut déterminer. Elle doit en superviser le fonctionnement et en valider le résultat. Ce paramétrage consiste, pour l'essentiel, à préciser, hiérarchiser, pondérer les critères qui ont été portés à la connaissance des candidats.

Seule la commission d'examen des voeux est compétente pour décider des réponses qui seront apportées aux candidats. Ainsi, la manière dont l'outil d'aide à la décision est utilisé est indissociable de la délibération, mais ce dispositif ne peut se substituer à elle. Aucune décision ne sera prise sans l'action de ces êtres humains, de façon collégiale, dans le cadre de ces commissions. Le module en lui-même ne peut fonder la décision de l'établissement et aucun d'eux n'a prévu de le faire de cette manière. La décision ne peut découler que des délibérations de la commission. Chacun des dossiers est examiné individuellement. Le travail de ces commissions est essentiel, car elles doivent notamment identifier les étudiants qui auront besoin d'un accompagnement pédagogique spécifique pour aller au terme de leur cursus.

Or la disposition votée par le Sénat retire toute forme de protection à la délibération de ces commissions. La disposition que nous souhaitons réintégrer permettra d'ancrer dans la loi le rôle de ces équipes pédagogiques et de protéger le contenu de ces délibérations. Ce contenu, ces échanges et ces débats sont essentiels. Concrètement, nous garantissons à chaque candidat un accès individuel aux informations et motifs qui justifient la décision prise par l'établissement – comme je vous le disais, la seconde de nos exigences consiste à renforcer la transparence, au bénéfice des étudiants. Cela n'était pas possible auparavant. C'est donc une avancée majeure en faveur de la transparence. On pourra savoir quels critères ont été pris en compte et comment ils ont été évalués.

En revanche, sans cette disposition, les formations devraient dévoiler une part substantielle de leurs propres délibérations, qui sont en principe couvertes par le secret, conformément à la jurisprudence du Conseil d'État. Une telle remise en cause serait très excessive. En effet, sans protection des délibérations, les équipes pédagogiques, par crainte de recours, seraient conduites soit à renoncer au module d'aide à la décision, soit à y recourir de façon mécanique, sans intervention humaine ; dans ce dernier cas, alors qu'on entend se protéger des algorithmes, on retournerait au système APB d'attribution purement algorithmique.

Le Gouvernement et la majorité ont eu à coeur, au cours de l'examen de la loi ORE, de faire progresser la transparence dans l'accès au premier cycle de l'enseignement supérieur. Pour nous, il n'est pas envisageable de revenir sur la lettre de la loi, qui a été votée et promulguée. En revanche, il est naturel et sain – tel a été l'objet de nos discussions ces dernières semaines – que ce sujet suscite le débat, que le Parlement puisse disposer d'une information régulière et indépendante sur les garanties de transparence de la nouvelle procédure Parcoursup. À cette fin, le présent amendement permettra au comité éthique et scientifique, dont la mission de contrôle de Parcousup est fixée dans la loi, de faire connaître au Parlement son évaluation indépendante des garanties permises par la loi en la matière. Cela pourra prendre la forme d'un rapport – comme le stipule le texte de l'amendement – , mais cela pourra aussi se traduire par une audition publique, comme le permet le règlement de l'Assemblée nationale.

J'irai même plus loin, mesdames et messieurs les députés : je souhaite prendre date devant vous, au nom du Gouvernement, sur cette question. Si le dispositif doit évoluer après quelques années, il évoluera et le Gouvernement soutiendra toutes les initiatives en ce sens. Par ailleurs, ma collègue Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, qui a construit et défendu ce texte, se tient à votre disposition – vous êtes d'ailleurs nombreux à l'avoir sollicitée – pour répondre à vos questions et rendre compte du traitement des voeux au sein de toutes les formations lors de la première session d'affectation, qui vient de commencer.

Je vous propose par conséquent de rétablir cette disposition en adoptant l'amendement du Gouvernement. Vous pourrez, par là même, rassurer toutes les familles de France qui ont déjà rempli leurs dossiers sur Parcoursup et qui attendent maintenant que leur examen avance.

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