Intervention de Maître Laurent Cohen-Tanugi

Réunion du jeudi 22 février 2018 à 11h30
Commission d'enquête chargée d'examiner les décisions de l'État en matière de politique industrielle, au regard des fusions d'entreprises intervenues récemment, notamment dans les cas d'alstom, d'alcatel et de stx, ainsi que les moyens susceptibles de protéger nos fleurons industriels nationaux dans un contexte commercial mondialisé

Maître Laurent Cohen-Tanugi, avocat au barreau de Paris :

C'est un sujet que je suis depuis de nombreuses années.

Les mesures annoncées par le Premier ministre me semblent aller dans le bon sens. Il faut en effet prendre acte du contexte actuel, dans lequel les tensions géopolitiques se développent et les technologies prennent une importance croissante. L'Europe a peut-être pris un peu plus de temps pour s'en apercevoir : les États-Unis avaient déjà durci leur contrôle des investissements étrangers en 2007. Il s'agit donc d'un processus continu – évidemment renforcé par les positions de l'administration Trump –, lié notamment à la montée en puissance de la Chine dans le secteur technologique. La France, me semble-t-il, doit aller également dans cette direction et adopter, à l'instar des Américains, des dispositions relativement générales plutôt que de dresser une liste des secteurs protégés qui ne sera jamais exhaustive. Les autorités nationales doivent en effet bénéficier d'une certaine discrétion pour déterminer, en fonction de l'investisseur, du secteur concerné, du contexte, si un investissement peut être autorisé ou pas et à quelles conditions, conditions qui doivent être davantage entourées de garanties juridiques qu'elles ne le sont traditionnellement. Aux États-Unis, je l'ai indiqué, le non-respect des conventions conclues peut faire l'objet de sanctions, qui peuvent aller jusqu'à l'annulation de l'autorisation. Par exemple, dans l'affaire Alcatel-Lucent – bien qu'il se soit agi d'une fusion entre alliés, si je puis dire –, il a été décidé que les laboratoires Bell, qui étaient la propriété de Lucent et détenaient de nombreux grands brevets technologiques américains, seraient contrôlés par un conseil d'administration composé de personnes accréditées par le Département de la défense américain. Alcatel-Lucent ne pouvait que toucher les dividendes de ces laboratoires. Dans l'environnement qui s'annonce, il faut être, je crois, extrêmement vigilant quant aux investissements dans des secteurs stratégiques d'entreprises liées à des États.

En la matière, l'échelle communautaire est, me semble-t-il, la plus pertinente mais, en attendant que les mesures soient prises à ce niveau, il faut que nous renforcions notre dispositif national.

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