Intervention de Maître Laurent Cohen-Tanugi

Réunion du jeudi 22 février 2018 à 11h30
Commission d'enquête chargée d'examiner les décisions de l'État en matière de politique industrielle, au regard des fusions d'entreprises intervenues récemment, notamment dans les cas d'alstom, d'alcatel et de stx, ainsi que les moyens susceptibles de protéger nos fleurons industriels nationaux dans un contexte commercial mondialisé

Maître Laurent Cohen-Tanugi, avocat au barreau de Paris :

Tout d'abord, je l'ai dit, les Américains sont beaucoup plus outillés que nous sur le plan juridique, et ce n'est pas propre à ce domaine. Les conventions sont donc extrêmement détaillées et leur non-respect peut être sanctionné. En France, nous ne prenons pas le sujet suffisamment au sérieux, car notre culture est plus administrative, plus politique. Or, nous devons traiter ces dossiers, qui relèvent d'une autorisation gouvernementale, comme des conventions privées, qui doivent donc être négociées, rédigées et détaillées, éventuellement par des avocats, de manière à être véritablement sanctionnables.

L'une des difficultés tient au fait que l'on a souvent tendance à mélanger ce qui relève de la protection de l'emploi, par exemple, avec des questions de sécurité nationale. Or, autant les dispositions peuvent être très précises et fermes en matière de sécurité nationale – désignation d'un proxy board, obligation pour l'entreprise cible de céder une branche sensible… –, autant un engagement de maintien de l'emploi sur trois ans, par exemple, est très difficile à sanctionner. Tant que l'on ne fera pas le départ entre le « dur » et le « mou », si je puis dire, en matière de « sanctionnabilité » juridique et de réalisme économique, on aura du mal à adopter un dispositif plus ferme. En matière de sécurité nationale, il faudrait adopter des dispositifs similaires à ceux qui existent dans le domaine de la concurrence, par exemple, mais je ne crois pas que l'on puisse y parvenir en matière de protection de l'emploi, car celle-ci relève d'une autre logique.

Quant aux victimes, à ma connaissance, aux États-Unis, elles ne sont pas prises en compte dans les transactions car la négociation d'un accord ne préempte absolument pas le droit des tiers, entreprises ou personnes physiques, d'intenter des actions contre l'entreprise sanctionnée, que ce soit aux États-Unis ou, a fortiori, dans d'autres pays.

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