Intervention de Patrick Kron

Réunion du mercredi 4 avril 2018 à 17h15
Commission d'enquête chargée d'examiner les décisions de l'État en matière de politique industrielle, au regard des fusions d'entreprises intervenues récemment, notamment dans les cas d'alstom, d'alcatel et de stx, ainsi que les moyens susceptibles de protéger nos fleurons industriels nationaux dans un contexte commercial mondialisé

Patrick Kron :

Je ne peux pas le confirmer. À vrai dire, je n'en sais rien. Mais nous avons passé toute l'année 2013 à réfléchir aux différentes solutions possibles, et General Electric est un animal assez visible dans le secteur de l'énergie. J'ai peut-être dit à l'occasion à Poux-Guillaume : « Demande à tes collègues de General Electric ». J'ai vu tout le monde, et j'ai commencé par les solutions dans lesquelles nous aurions pu garder la main. Est-ce que vous croyez que je ne suis pas allé au Japon discuter avec Mitsubishi, que je n'ai pas rencontré tous les acteurs français ? Mais quand on discute avec GE ou Siemens, le poids relatif des partenaires n'est pas du même ordre.

Ensuite, qui ai-je informé, qui n'ai-je pas informé, demandez-vous. D'abord, M. Montebourg semble avoir dit qu'il tombait des nues et qu'il découvrait qu'Alstom avait des problèmes par le plus grand des hasards. C'est quand même bizarre ! M. Montebourg a commandé une étude au cabinet allemand Roland Berger sur la situation d'Alstom et ses perspectives. Il m'a d'ailleurs demandé – lui ou son directeur de cabinet, je ne me souviens plus – de rencontrer mes équipes. Puis, l'anecdote vaut la peine d'être racontée, quelques semaines plus tard il y a eu une fuite et un article dans Les Échos, racontant que Bercy avait commandé une étude sur Alstom. Cela a mis une pagaille noire, monsieur le président, pour ne pas utiliser un terme plus senti. Pour nos actionnaires, le cours d'Alstom a dévissé. Et ce ne fut pas le pire : ce sont surtout nos clients qui se sont dit qu'une telle étude, cela voulait dire que nous n'allions pas bien et se sont demandés s'il fallait continuer à travailler avec nous. Il faut bien voir que quand vous achetez des yaourts dans un supermarché, si un beau matin il fait faillite, vous allez acheter vos yaourts ailleurs. Mais quand vous vous engagez dans un contrat pluriannuel comprenant la maintenance sur vingt ans, que l'entreprise – en l'occurrence Alstom – ait un problème ne vous laisse pas indifférent. J'ai donc rencontré M. Montebourg début mars pour lui dire à quel point j'étais mécontent de ces fuites. Il a, contre toute évidence, nié en être l'origine. Peu importe. Je n'ai pas menti à M. Montebourg. Et puisque nous sommes entre nous, je vais vous raconter une petite anecdote sur le personnage. Le hasard – la poisse – fait que j'ai rencontré M. Montebourg après être parti d'Alstom. Après une conversation assez désagréable, en nous quittant je lui ai demandé – pardonnez les termes – « s'il avait l'intention de continuer à m'emmerder ». Il m'a répondu : « Dans cette affaire, il nous faut des boucs émissaires. » Sachez, monsieur le président, que je n'ai pas l'intention d'être le bouc émissaire de qui que ce soit.

Pour reprendre le calendrier, j'ai rencontré M. Montebourg, qui était parfaitement informé des difficultés d'Alstom. C'était tout début mars – je suis prudent, je ne voudrais pas me faire reprendre sur les dates ! Je n'ai pas, alors, fait état du dîner que j'avais eu avec M. Immelt, car ce dernier avait conclu par « je réfléchis et je reviens vers vous ». Il est effectivement revenu vers nous, de mémoire, le 13 mars, pour dire qu'il était prêt à discuter. Nous avons signé le 14 mars un accord de confidentialité avec General Electric et nous avons commencé les discussions à New York le 24 mars. Nous venions de nous mettre d'accord sur l'ensemble des éléments quand a eu lieu la fuite par l'agence Bloomberg le 23 avril. Donc, M. Montebourg a effectivement appris de Mme Gaymard que j'avais dîné avec M. Immelt le dimanche soir et que nous avions évoqué la possibilité de faire quelque chose ensemble. Il a pris acte de mon idée et il est revenu un mois plus tard en disant qu'il était prêt à y donner suite. Je n'ai pas menti ni nié l'existence d'un projet qui n'existait pas encore.

Ensuite, me demandez-vous, comment pouvais-je imaginer que le ministre de l'économie donnerait l'autorisation de cession ? Simplement parce que c'était un bon projet, monsieur le président. Par rapport à un statu quo dont on voit mieux encore aujourd'hui qu'il aurait conduit à un désastre sans nom, je ne vois pas pourquoi le Gouvernement aurait refusé ce projet. Je ne me suis pas « payé sa tête » car je ne me permettrais pas de me payer la tête d'un ministre.

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