Intervention de Jean-Paul Lecoq

Séance en hémicycle du lundi 16 avril 2018 à 17h00
Déclaration du gouvernement sur l'intervention des forcées armées françaises en syrie et débat sur cette déclaration.

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Lecoq :

Qui est l'ennemi ? La question a été posée tout à l'heure. La ministre des armées nous a expliqué, dans cet hémicycle, que nos ennemis étaient ceux qui n'étaient pas nos alliés. Ces conceptions viriles et brutales des relations internationales ne provoquent que divisions et stigmatisations au sein de la communauté internationale. Qui peut encore dire aujourd'hui que les guerres irakienne et libyenne provoquées par le soi-disant monde libre ont offert la démocratie et la liberté à ces peuples ?

Ainsi, riposter aux crimes du régime syrien par la seule voie militaire, sans stratégie politique de long terme visant le retour de la paix, sans initiative diplomatique digne de ce nom, relève plus de la posture et de la communication que de l'engagement politique et de l'action humanitaire. Ce matin même, Donald Trump, partie prenante de cette expédition punitive, a confirmé sa volonté de quitter au plus vite le terrain syrien, sans se préoccuper de l'avenir politique de ce pays.

Ne nous en déplaise, la Russie est devenue centrale dans le conflit. Elle est aujourd'hui la seule puissance à avoir maintenu le dialogue avec l'ensemble des interlocuteurs – un des fondamentaux de la diplomatie que le gouvernement français semble avoir oublié. Autrement dit, le retour de la paix civile en Syrie passe aussi par la Russie et les autres acteurs régionaux, pas seulement par Washington ou Paris. Le nier, c'est faire preuve d'une naïveté irresponsable, et c'est ce qui a coûté sa crédibilité à la France dans l'affaire syrienne.

Nous avons le sentiment que plusieurs occasions de faire entendre la voix de la France en faveur de la paix auprès de la Russie ont été gâchées, par calculs et autres tergiversations. Aujourd'hui, Trump veut détruire le régime de « l'animal Assad », et nous nous sommes laissé emporter dans cette guerre illégale. Nous regrettons que le Président de la République nous ait entraînés dans ce sillage belliciste, dont les conséquences seront dramatiques. Faut-il, d'ailleurs, voir un lien entre cette action de gendarme du monde et le fait de posséder l'arme nucléaire ? Le rôle de la France en tant qu'État doté n'est pourtant pas marginal. L'objectif gaulliste de la dissuasion française était l'indépendance nationale. Plutôt que de se servir de la dissuasion nucléaire française pour se permettre d'attaquer illégalement un pays, mieux vaudrait l'utiliser pour obliger les parties à discuter ensemble.

Seule l'ouverture d'un dialogue diplomatique constructif entre les puissances régionales directement impliquées, d'un côté, et entre les membres permanents du Conseil de sécurité, de l'autre, serait efficace. Notre diplomatie doit se montrer plus active et contribuer à rassembler la communauté internationale en soutenant tous les processus qui feront avancer la paix, comme ceux de Genève ou d'Astana.

Restant fidèles à nos principes et à nos valeurs de paix et de démocratie, nous, députés communistes et ultramarins du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, ne pouvons que condamner les frappes militaires punitives en Syrie que le Président de la République a décidées sans l'aval de l'ONU ni du Parlement français.

Il n'est pas trop tard, je le répète, pour que notre pays regagne sa place sur la scène internationale, dans le coeur des peuples, et se range du bon côté de l'histoire. Moscou n'a pas fermé la porte à un dialogue direct avec la France, y compris dans le cadre d'une visite officielle du chef de l'État à Saint-Pétersbourg fin mai. Nous intimons celui-ci de saisir ce moment pour faire taire les bombes et pour trouver, avec la Russie, une solution mettant enfin un terme à la souffrance du peuple syrien, qui se sent abandonné depuis trop longtemps.

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