Intervention de Danièle Obono

Séance en hémicycle du mardi 17 avril 2018 à 9h30
Questions orales sans débat — Santé mentale des personnes incarcérées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanièle Obono :

Madame la ministre de la justice, vingt-quatre ans après la réforme de la santé en prison, il apparaît que de nombreux dysfonctionnements, parfois très graves, persistent ou se sont intensifiés. À cela s'ajoute l'accroissement continu de la population incarcérée. Si le récent mouvement des personnels de surveillance des prisons a fait connaître au grand public leur situation particulière, elles et ils ne sont pas les seuls à alerter sur la profonde dégradation des conditions de vie en prison, notamment sur la question de la santé.

Je ne vous parle pas là seulement de l'hygiène impossible avec la douche hebdomadaire, des invasions de nuisibles – rats, puces, poux, punaises – ou de la vétusté du bâti, qui a conduit à ce que plusieurs plaintes soient déposées contre la France pour traitement dégradant jusque devant la Cour européenne des droits de l'homme. Je vous parle de la santé physiologique où le ou la surveillante et les antalgiques remplacent des personnels spécialisés croulant sous le nombre de patients et patientes et de pathologies, menant une médecine d'urgence dans des conditions d'exercice insupportables.

Je vous parle de la santé mentale, quasiment absente des programmes de formation des surveillantes et surveillants, jugez-en : six heures sur l'ensemble du cursus ! Les agentes et agents sont démunis alors qu'ils sont en première ligne des accès de démence qui sont autant d'insécurité et cause de tant d'agressions entre détenus et à l'encontre des personnels. Les chiffres sont parlants : 20 % des personnes incarcérées sont atteintes de troubles psychotiques, huit hommes détenus sur dix présentent au moins un trouble psychiatrique.

Je vous parle enfin de l'absence de protocole dans la lutte contre la dite « radicalisation » en milieu carcéral, alors que vous vous apprêtez à ouvrir 1 500 places « étanches » pour ces détenus, alors que les binômes éducateurs-agents de probation intervenant au sein des quartiers d'évaluation de la radicalisation n'ont à ce jour aucune formation psychologique ou clinique et interviennent trop souvent sans concertation avec les équipes médicales.

Je voudrais aujourd'hui porter ici la voix de tous ces personnels qui exercent une mission indispensable de service public, parmi les plus difficiles et les moins gratifiantes. Je veux également réaffirmer la dignité à laquelle chaque citoyenne et chaque citoyen a droit au sein de notre République, y compris lorsqu'elles ou ils sont en détention.

Ma question sera donc simple : que comptez-vous faire concrètement, madame la ministre, pour mettre un terme à la déshérence sanitaire qui règne au sein de nos prisons et répondre à cette question urgente de la santé dans nos établissements carcéraux ?

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