Intervention de Emmanuelle Ménard

Séance en hémicycle du mercredi 18 avril 2018 à 15h00
Déclaration du gouvernement sur le projet de programme de stabilité pour les années 2018-2022 suivie d'un débat et d'un vote sur cette déclaration

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmmanuelle Ménard :

Madame la présidente, messieurs les ministres, madame la présidente de la commission des affaires européennes, monsieur le rapporteur général, chers collègues, le Gouvernement a présenté le 11 avril 2018, en conseil des ministres, son programme de stabilité, document transmis comme chaque année à la Commission européenne. Ce programme présente le cadrage économique retenu par le Gouvernement pour la période 2018-2022, et détaille prévisions de croissance et trajectoire des finances publiques.

Après avoir atteint 2 % en 2017, la croissance se maintiendrait au même taux en 2018, puis s'établirait à 1,9 % en 2019. J'ai bien peur, messieurs les ministres, que vous ne péchiez par trop d'optimisme. Ces prévisions pour 2018 et 2019 reposent en effet sur trois facteurs de croissance : la poursuite de la reprise en zone euro et l'accélération de la demande mondiale ; l'investissement des entreprises ; le dynamisme du pouvoir d'achat des ménages. Et c'est sur ce dernier point que j'aimerais revenir.

Il me semble en effet que vous vous arrangez un peu avec la réalité. Dans une étude de décembre 2017, l'INSEE prévoit une lourde perte de pouvoir d'achat pour les Français, notamment au premier trimestre 2018. Avant qu'ils puissent bénéficier des réformes engagées par votre gouvernement – suppression d'un tiers de la taxe d'habitation, baisse des cotisations salariales – les mesures fiscales que vous avez engagées vont grever leur pouvoir d'achat : moins 0,7 point par rapport au dernier trimestre 2017 et, en 2018, il devrait finalement baisser de 0,3 % par rapport à 2017.

L'Observatoire français des conjonctures économiques a, lui aussi, mis en doute les gains de pouvoir d'achat supposés des ménages en 2018. Les quelque 2 milliards séparant les chiffres de l'OFCE de ceux de votre gouvernement sont dus avant tout à des hypothèses de départ différentes. Mais qui croire ? Ainsi, vous estimez que la hausse des prix du paquet de cigarettes entraînera une baisse de la consommation de tabac. Je l'espère tout autant que vous pour la santé des Français, mais est-ce certain ? Je m'interroge. Les interprétations divergent également sur le fait de savoir qui supportera la hausse de la fiscalité de l'énergie : les entreprises ou les ménages ? Difficile de trancher…

Il est vrai, je vous l'accorde, que fin 2018, quand les cotisations salariales chômage et maladie des populations actives auront baissé et se seront cumulées, un salarié au SMIC aura gagné 140 euros de plus. Regardons les chiffres de près : le pouvoir d'achat des Français va bien augmenter cette année, mais… mais… à condition de ne pas être retraité, de ne pas posséder de voiture diesel, de ne pas fumer et de ne pas se chauffer au gaz !

La France a enregistré en 2017 un déficit public plus faible que prévu : 2,6 % du PIB au lieu des 2,9 % officiellement attendus. Bonne nouvelle ! Cela ouvre en effet la voie à une sortie de la procédure de déficit excessif à l'été 2018, et c'est la première fois depuis 2007 que la France repasse sous la fameuse barre des 3 % de déficit comme l'exigent les traités européens. Mais si vous misez sur une nouvelle baisse du déficit public pour 2018 à 2,3 % du PIB, cela ne permettra pas néanmoins de faire refluer la dette publique, qui continuera, elle, à s'accumuler. Elle a atteint, fin 2017, 97 % du PIB contre 96,6 % fin 2016 ; en valeur, la dette s'élève désormais à 2 218 milliards d'euros, soit 66 milliards de plus qu'en 2016.

Enfin, le taux de prélèvements obligatoires a dépassé le cap des 45 % du PIB en 2018 au lieu des 44,3 % anticipés. Même si nous sommes devancés par le Danemark et la Belgique, nous avons le niveau le plus élevé par rapport à nos principaux partenaires européens, et, bien sûr, cela nuit à notre compétitivité.

Vous avez promis, messieurs les ministres, une baisse de 1 point de PIB du taux des prélèvements obligatoires d'ici à 2022. Mais par rapport à quoi ? La trajectoire initiale tablait sur un taux de 44,7 % en 2017, qui serait patiemment ramené à 43,7 %. Mais le taux de départ, 45,4 %, est dorénavant bien plus élevé. Par conséquent, soit la baisse de 1 point sera calculée par rapport à cette nouvelle référence et vous ne ferez alors, en cas de réussite, que ramener la pression fiscale à son niveau de 2016, soit vous maintenez l'objectif initial de 43,7 %, mais il vous faudra dans ce cas réduire les impôts à hauteur de 2 points de PIB. Ce n'est pas gagné !

Certains commentateurs de l'actualité des finances publiques ont, à propos de ce début d'année 2018, parlé d'une parenthèse enchantée : l'on ne peut que souhaiter qu'il ne s'agisse pas d'une simple parenthèse.

Je l'espère comme vous, même si les chiffres me poussent malheureusement à être un peu plus sceptique.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.