Intervention de Bruno le Maire

Séance en hémicycle du mercredi 18 avril 2018 à 15h00
Déclaration du gouvernement sur le projet de programme de stabilité pour les années 2018-2022 suivie d'un débat et d'un vote sur cette déclaration

Bruno le Maire, ministre de l'économie et des finances :

Rappelons tout de même quelques faits à ce sujet.

On nous reproche souvent de ne pas avoir baissé la dépense, comme si le déficit ramené à 2,6 % en 2017 tombait du ciel ! Non, il ne tombe pas du ciel, il résulte des décisions que nous avons prises pour compenser la suppression de la taxe sur les dividendes à 3 %, et réduire les dépenses structurelles, tant dans le domaine du logement que de l'emploi aidé. Ces décisions furent difficiles à prendre et elles ont été suffisamment critiquées pour que nous puissions les assumer, aujourd'hui qu'elles ont porté leurs fruits.

Il en est de même pour les dépenses non budgétées que nous avons trouvées à l'arrivée et que nous avons décidé d'assumer, avec le ministre des comptes publics.

Enfin, pour être certains de passer sous la barre des 3 %, nous avons assumé une décision difficile vis-à-vis des entrepreneurs : la surtaxe d'impôt sur les sociétés pour compenser intégralement la perte fiscale de 10 milliards d'euros. Cette décision demandait du courage et le sens des responsabilités, autant l'assumer à présent.

J'ai entendu certains doutes, je veux y répondre également.

S'agissant tout d'abord des impôts, je confirme que nous aurons bien atteint, d'ici à la fin du quinquennat, l'objectif de baisser de 1 point les prélèvements obligatoires. Dès 2018, d'ailleurs, les impôts baisseront, comme le prévoit la trajectoire des finances publiques que la France s'est fixée dans ce programme de stabilité. Nos entreprises, en particulier nos PME, ressentiront les effets de la baisse de l'impôt sur les sociétés dès 2018. Quant à la surtaxe d'impôt sur les sociétés, mesure exceptionnelle, elle prendra fin en 2018. Le dégrèvement de la taxe d'habitation commence bien en 2018. La suppression des cotisations salariales d'assurance maladie et d'assurance chômage a lieu elle aussi en 2018.

C'est donc bien dès 2018 que les impôts baisseront, même si les effets ne s'en feront pleinement ressentir qu'à la fin de l'année, puisque nous avons décidé, avec Gérald Darmanin, d'opérer en deux temps, début 2018 et fin 2018, afin, dans un souci de responsabilité, de ne pas faire supporter un choc trop brutal à nos finances publiques.

J'en viens aux dépenses structurelles. Le rapporteur général a fait remarquer, à juste titre, que nous avions prévu un ajustement structurel de 0,1 point de PIB en 2018 et de 0,3 en 2019. C'est vrai, ce sujet soulève un débat avec la Commission européenne, je le reconnais bien volontiers et j'en discute régulièrement avec son vice-président. Nous lui apporterons, dans les prochaines semaines, toutes les précisions nécessaires pour le rassurer quant à cet ajustement structurel.

Quant aux ajustements structurels à partir de 2020, ils exigeront des baisses de dépenses supplémentaires et des choix que nous proposerons, avec Gérald Darmanin, au Premier ministre et au Président de la République, pour appliquer à deux ou trois politiques publiques, une baisse de la dépense que nous assumons totalement car la dépense doit être plus efficace et moins coûteuse pour le contribuable. Mieux vaut choisir deux ou trois secteurs dans lesquels nous assumons une politique publique stratégique de réduction de la dépense dans tous ses aspects, plutôt que de pratiquer dans tous les domaines une politique du rabot alors même que nous avons des priorités en termes de sécurité, de défense, de protection des Français, de justice par exemple.

Un mot de la croissance, que certains jugent trop optimistes. Pourquoi pas, mais rappelons que le Haut conseil des finances publiques, présidé par Didier Migaud et dont les membres ne sont pas réputés pour leur amateurisme, juge sincère notre prévision de croissance.

C'est d'ailleurs la marque de fabrique de ce Gouvernement, du ministre de l'action et des comptes publics ainsi que du ministre de l'économie et des finances, que de faire preuve de sincérité – de la majorité, également, comme le relève à juste titre Amélie de Montchalin.

Nous sommes des gens sincères, dont les prévisions sont sincères et confirmées par le Haut conseil des finances publiques. Rappelons par ailleurs que le FMI a publié, il y a quelques jours, une évaluation de croissance pour la France, qui s'établirait à 2,1. Nous aurions pu, par facilité, reprendre cette évaluation, l'intégrer dans notre trajectoire budgétaire, pour nous épargner des économies supplémentaires. Nous ne le faisons pas, nous maintenons notre prévision de croissance à 2, car elle nous paraît crédible et responsable par rapport à ce que nous savons de l'économie française.

Je conclurai avec la dette de la SNCF, qui a encore animé les débats, ce qui est normal. Rappelons qu'à la fin de 2017, cette dette s'élève à 46 milliards d'euros, dont 11 milliards, monsieur Vigier, ont été intégrés dans la dette publique depuis 2014. Par conséquent, le montant maximal de la dette de la SNCF s'élève à 46 milliards d'euros, moins ces 11 milliards, soit 35 milliards d'euros fin 2017, si mes calculs sont bons – ils n'excèdent pas mes capacités de calcul mental ! Comme elle augmente de 2 à 3 milliards d'euros par an, nous considérons que le montant maximal de dette de la SNCF à traiter par l'État serait de 50 à 55 milliards d'euros fin 2020.

Pour ce qui est de la reprise de cette dette, le Président de la République a été très clair : cela sera possible, progressivement, à partir de 2020. Certains nous disent qu'il conviendrait d'y procéder tout de suite, mais nous ne sommes pas d'accord ! Nous n'allons pas le faire tant que nous ne savons pas si la SNCF retrouvera sa compétitivité et dégagera de nouvelles marges de manoeuvres financières. Ce ne serait pas responsable !

Aujourd'hui, la SNCF continue à perdre 3 milliards d'euros chaque année – 1,5 milliard du fait de l'exploitation, 1,5 milliard lié à la charge de la dette. Ce serait remplir le tonneau des Danaïdes que de reprendre la dette sans avoir au préalable transformé la SNCF pour qu'elle dégage des ressources d'exploitation et qu'elle ne s'endette pas davantage.

Je ne me vois pas, en tant que ministre des finances, solliciter le contribuable, qui est toujours au final celui qui paie, et dont nous sommes tous, ici, les garants et les responsables, pour reprendre une dette qui continuerait de grossir.

Reprendre progressivement la dette, comme l'a proposé le Président de la République, à partir de 2020 : oui, à condition et à condition seulement que la SNCF ait achevé sa transformation et que le grand service public qu'elle constitue ait renoué avec les bénéfices auxquels elle peut prétendre.

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