Intervention de Didier Migaud

Réunion du mardi 17 avril 2018 à 17h15
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Didier Migaud, président du Haut Conseil des finances publiques :

Du fait d'une petite amélioration de notre compétitivité, nos parts de marché ont baissé mais se sont stabilisées à hauteur de 3 % des échanges mondiaux. Ces éléments nous ont permis de dire que, s'agissant du commerce extérieur, ce qu'avançait le Gouvernement était plausible, réaliste...

Bien entendu, à côté des facteurs exogènes comme la politique monétaire et l'environnement international, jouent des facteurs endogènes, et la politique budgétaire en est un. Le programme de stabilité prévoit un effort structurel plus important en fin de période, donc une politique budgétaire plus restrictive qu'aujourd'hui, qui peut avoir des conséquences sur la croissance. Cet aspect est-il suffisamment pris en compte dans le scénario macroéconomique du Gouvernement, qui table sur un ralentissement plus modéré en fin de cycle que ne le font beaucoup d'autres ? On peut en débattre, on verra ce qui se passe.

On constate en effet que les freins aux capacités de production, les goulots de production, les difficultés de recrutement ont beaucoup augmenté en 2017 et sont à des niveaux nettement supérieurs à la moyenne de long terme. Certains économistes prévoient que ces contraintes d'offre peuvent rapidement entraver la croissance. Mais est-ce certain ? Dans le passé, on a pu constater que ces indicateurs pouvaient atteindre un niveau élevé pendant une période plus longue sans vraiment freiner la croissance. C'est un peu ce qui se passe aux États-Unis et en Allemagne. Il est difficile d'avoir des certitudes. Cela peut entraîner des tensions et un ralentissement, mais à quel moment ? Parallèlement, des efforts de formation et quelques réformes structurelles peuvent améliorer, à terme, les capacités d'utilisation de la main-d'oeuvre. L'enchaînement de ces facteurs est incertain, et on peut dire la même chose en ce qui concerne les tensions sur l'emploi.

La réforme fiscale aux États-Unis peut-elle dégénérer en crise de la dette souveraine ? Elle soutient l'activité à court terme, mais va accroître le déficit budgétaire et peut contribuer à augmenter l'inflation au-delà des prévisions actuelles. Cela pourrait conduire la Fed à resserrer plus vite sa politique monétaire et l'augmentation de ses taux d'intérêt aurait des conséquences pour la croissance des autres pays, développés comme émergents. Mais les banques centrales manifestent une certaine prudence et si elles augmentent les taux d'intérêt, le font de façon modérée. Nous surveillons de près cette situation, mais pour l'heure ni la Banque centrale européenne (BCE), ni la Réserve fédérale des États-Unis ne se dirigent vers un resserrement budgétaire. Le programme de stabilité indique, en page 28, qu'une augmentation de 1 % des taux d'intérêt a un impact de plus de 2 milliards d'euros l'année suivante et de 19 milliards au bout de dix ans. Une telle hausse peut donc avoir des conséquences sur les marges de manoeuvre budgétaires de l'État.

Je ne peux répondre à propos de l'investissement des collectivités locales. La question n'entre pas dans notre champ.

Certains pays, en situation plus fragile, peuvent présenter des risques. Mais, s'agissant du Brexit, pour le moment, toutes les mauvaises nouvelles ne sont pas confirmées, même pour le Royaume-Uni. Les scénarios catastrophe mettent du temps, pour le moins, à se concrétiser, même s'il y aura, s'il y a déjà, des conséquences : la croissance est faible au Royaume-Uni. D'autres pays sont plus fragilisés par le niveau d'endettement, public ou privé. Autant d'aléas qui peuvent affecter la poursuite de la reprise économique et qu'il faut prendre en compte comme il faut prendre en compte des éléments plus positifs. Après tout, on a sous-estimé la croissance de 2017 – dont le taux peut encore être révisé à la hausse par l'INSEE. Les optimistes penseront de même pour 2018.

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