Intervention de François Pillet

Réunion du jeudi 5 avril 2018 à 10h05
Groupe de travail sur les moyens de contrôle et d'évaluation du parlement

François Pillet, rapporteur du groupe de travail du Sénat sur la révision constitutionnelle :

Nous avons brossé synthétiquement les propositions pour l'avenir et les mesures déjà mises en oeuvre au Sénat. Je reprendrai ceux de vos points qui présentent une accroche constitutionnelle forte.

Au chapitre « Renforcer les capacités d'évaluation et de contrôle du Parlement », vous avez placé en premier lieu de la suppression du plafond constitutionnel encadrant le nombre des commissions permanentes. Le groupe de travail du Sénat sur la révision constitutionnelle n'a pas abordé ce point spécifique. Nous vous livrons les informations en fonction des débats qui ont eu lieu, mais nous n'avons évidemment pas mandat pour parler au nom du Sénat sur des questions qui n'ont pas été étudiées. Le groupe de travail du Sénat n'a pas encore abordé ce point, mais il faut dire que nous n'avons pas épuisé, à ce jour, l'examen de toutes les possibilités offertes par la Constitution. À ce stade, notre position serait plutôt de réserve.

La deuxième proposition vise à étendre le pouvoir de communication de pièces et de contrôle sur pièces et sur place à toute instance parlementaire en charge d'une mission de contrôle ou d'évaluation. Le Sénat souscrit à l'esprit de cette proposition. La formulation de notre groupe de travail était proche. Il s'agirait d'étendre à toutes les commissions permanentes, par l'intermédiaire de leur président ou de membres désignés à cet effet, les prérogatives de communication de pièces et de contrôle sur pièces et sur place. Nous proposons également, comme je l'ai indiqué précédemment, que la compétence des commissions permanentes pour exercer les missions de contrôle de l'action du Gouvernement, de contrôle de l'application des lois et d'évaluation des politiques publiques soit formellement reconnue dans la Constitution.

Votre troisième proposition consistait à élargir les compétences des commissions d'enquête, notamment lorsqu'il existe des poursuites judiciaires en cours. Le Sénat y souscrit totalement, sous la réserve déjà évoquée du respect du secret de l'instruction.

Votre quatrième proposition avait pour but d'accroître le contrôle des nominations en les soumettant à un avis conforme des commissions permanentes voté selon des règles de majorité plus exigeantes – par addition des votes positifs – et en étendant le champ des emplois et fonctions concernés.

Nous partageons le constat sur la nécessité de renforcer le contrôle des nominations. Pour autant, nous avons considéré dans le cadre de notre groupe de travail qu'il était suffisant de viser les fonctions mentionnées au dernier alinéa de l'article 13 de la Constitution.

Sur la formule à retenir, nous sommes partisans, plutôt qu'une addition des votes positifs, de considérer la nomination décidée en l'absence d'opposition aux trois cinquièmes des suffrages exprimés de chacune des deux commissions permanentes compétentes, ce qui n'est pas le cas actuellement.

Nous souhaiterions également que les commissions puissent se faire communiquer les informations détenues par l'administration fiscale et la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), ainsi que le bulletin numéro 2 du casier judiciaire des personnes dont la nomination est envisagée. Je reprends ainsi ce que nous avons entendu il y a quelques minutes. Il est peut-être dommage d'en rester à ce qui peut s'apparenter à un grand oral. Nous pourrions aller plus loin dans le cadre de ces nominations.

Votre cinquième point visait à solliciter l'avis du Conseil d'État sur toutes les propositions de loi inscrites à l'ordre du jour. Sur ce point, nous partageons la même philosophie : nous souhaitons même inscrire dans la Constitution le principe de la publicité des avis rendus par le Conseil d'État sur les projets de loi, les projets d'ordonnance et les propositions de loi. En revanche, concernant le renvoi systématique des propositions de loi inscrites à l'ordre du jour, nous préférerions que la saisine du Conseil d'État reste subordonnée à l'accord de son auteur.

Le sixième point vise à renforcer l'assistance de la Cour des comptes en prévoyant que les conclusions de sa mission de contrôle du Gouvernement ne s'adressent qu'au Parlement. Cette proposition, examinée par le groupe de travail du Sénat, a été écartée. La Cour des comptes est composée de magistrats indépendants qu'il ne nous a pas paru opportun de soumettre à une tutelle parlementaire. Par ailleurs, il nous semble que l'expertise de la Cour et ses contrôles rigoureux sont des outils indispensables au Gouvernement qui ne doit pas voir cette proposition d'un oeil très favorable. Toutefois, nous avons formulé d'autres propositions pour renforcer l'assistance fournie par la Cour des comptes aux parlementaires. Ces propositions procèdent du même objectif.

Prévoir expressément dans la Constitution que la Cour des comptes assiste le Parlement dans le contrôle de l'application des lois et l'évaluation de leur mise en oeuvre.

Élargir à toutes les commissions le droit, reconnu aujourd'hui aux commissions des finances et des affaires sociales, de demander des enquêtes à la Cour des comptes, en prévoyant un filtrage des demandes par la Conférence des Présidents ou en instaurant un droit de tirage annuel.

Nous souhaitons, par ailleurs, qu'il soit possible pour le Parlement de solliciter le Conseil d'État et la Cour de cassation sur le respect d'un nouveau principe dont nous souhaitons l'inscription dans la Constitution : celui de l'accessibilité, de la clarté et de la nécessité de la norme, le principe de nécessité devant s'entendre au sens que lui donnait Montesquieu, selon lequel « les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires ».

Le septième point ouvre la possibilité de mobiliser de manière ciblée les moyens de l'exécutif : en pratique, disposer d'un droit de tirage limité sur des expertises relevant, par exemple, des contrôleurs de gestion des services d'inspection générale, des statisticiens de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), des fiscalistes de la direction générale des finances publiques (DGFiP) ou encore des économistes de la direction générale du Trésor (DGT).

Le Sénat ne s'est pas prononcé sur cette question précise. Nous partageons le constat : l'accès du Parlement aux données statistiques et fiscales est une question ouverte et centrale. Nous nous interrogeons sur l'opportunité de conclure une convention avec l'INSEE, par laquelle cet institut s'engagerait à fournir des données au Parlement après retraitement éventuel, ainsi que de négocier une procédure accélérée au bénéfice du Parlement devant le comité du secret statistique (CSS) qui donne son avis sur les demandes d'accès aux données issues de la statistique publique.

Si notre proposition, partagée par l'Assemblée nationale, de doter les instances de contrôle du droit de se voir communiquer les pièces nécessaires à leurs missions était retenue, la question ne se poserait plus.

Votre huitième proposition visait à permettre le rattachement au Parlement d'une entité administrative déjà existante afin de renforcer ses moyens propres en matière de contrôle.

Nous partageons l'objectif de renforcer les moyens de contrôle et d'évaluation du Parlement. Cependant, nous ne sommes pas convaincus que le rattachement d'une entité administrative existante, comme France Stratégie, soit le meilleur moyen d'atteindre un tel objectif.

L'expérience menée depuis plusieurs années par nos délégations en mobilisant des crédits d'études pour faire intervenir des experts de chaque secteur, avec une souplesse certaine, nous semble être une forme préférable de renforcement des moyens d'expertise du Parlement.

Voilà ce que je voulais vous dire. Vous avez noté que nous partageons bien des objectifs. Certaines de vos propositions sont très proches des nôtres et d'autres ouvrent un débat extrêmement intéressant.

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