Intervention de Marietta Karamanli

Séance en hémicycle du samedi 21 avril 2018 à 9h30
Immigration maîtrisée droit d'asile effectif et intégration réussie — Article 16

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarietta Karamanli :

Je voudrais partager trois constats sur l'article 16, qui concerne la rétention administrative.

Le premier est celui de l'allongement du délai de rétention depuis son institution : sept jours en 1981, dix en 1993, trente-deux en 2003 et quarante-cinq en 2011 après le vote de la loi Hortefeux-Besson. Aujourd'hui, vous souhaitez le doubler, alors qu'aucune nécessité impérieuse ne le justifie. En outre, aucune contrainte d'harmonisation européenne n'incite à accroître la durée de rétention. Celle-ci est fixée à six mois maximum, ce qui n'est en aucune façon un objectif. Il y a même une différence non négligeable entre ce que les textes autorisent et l'application effective qu'en font les États, la distance étant importante sur ce sujet entre l'Allemagne et la France.

Le deuxième constat est que la primauté de l'assignation à résidence sur la rétention, expressément prévue par la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France, n'est pas assurée aujourd'hui.

Le dernier constat est que le délai moyen de placement en rétention est actuellement de douze jours, sur un maximum légal de quarante-cinq. Celui des éloignements est de 14,3 jours. Seuls 40 % des étrangers placés en rétention sont éloignés. Il s'agit donc d'une mesure inutile.

Dans ces conditions, l'allongement des délais ne répond pas à une nécessité juridique et ne permet pas d'éloigner plus de personnes. Nous nous posons donc la question : quelles sont les raisons de cet acharnement à vouloir augmenter le délai d'enfermement ? Vouloir retenir trois mois une personne dont on sait qu'elle redeviendra libre, dans la majorité des cas, à l'issue des quinze premiers jours, ne peut répondre qu'à la volonté de faire sentir aux étrangers qu'ils sont à la merci de la puissance de l'État. C'est une façon de dire à de nombreux Français qui peuvent se sentir déclassés économiquement ou socialement que les étrangers ont peut-être des droits reconnus par des conventions internationales, mais qu'ils en ont moins qu'eux et qu'ils peuvent être punis pour leur seule qualité de demandeur de droits.

La visée de cet article est bien d'adresser un message de sanction aux étrangers qui voudraient faire valoir leurs droits. C'est un raisonnement inepte.

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