Intervention de Marietta Karamanli

Réunion du mercredi 9 mai 2018 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarietta Karamanli :

Ce projet de loi, très attendu, entend prévenir et réprimer plus efficacement et plus durablement les atteintes à l'intégrité physique et psychologique et les violences sexuelles. Les attentes de nos concitoyens sont fortes dans ce domaine et ce texte leur apporte des réponses dont certaines sont adaptées et nécessaires tandis que d'autres suscitent des interrogations quant à leur portée et leur efficacité.

Ce projet s'inscrit dans une lignée récente de textes législatifs convergents qui se sont faits plus nombreux au cours des toutes dernières années : ainsi, la loi d'août 2012 a donné une définition plus précise du harcèlement sexuel et a renforcé la protection des victimes, notamment dans le cadre professionnel.

Parmi les apports de principe de ce texte, citons l'allongement du délai de prescription à trente ans pour les crimes sexuels à l'encontre des mineurs, le renforcement de la répression des abus sexuels commis sur les mineurs de moins de quinze ans, la nouvelle incrimination d'outrage sexiste, l'extension de la définition de harcèlement en vue de réprimer les « raids numériques ».

Restent que plusieurs questions continuent à se poser, sur lesquelles, au nom du groupe de la Nouvelle Gauche, je souhaiterais insister.

S'agissant de la répression des abus sexuels commis sur les mineurs de moins de quinze ans, les notions de contrainte morale et de surprise sont redéfinies, mais la justice aura à se poser à chaque fois la question du discernement de la victime. Compte tenu de l'alourdissement des peines en cas d'atteintes sexuelles, le dispositif fait craindre une moindre répression des viols qui seront plus souvent correctionnalisés. C'est la raison pour laquelle notre groupe a déposé plusieurs amendements pour proposer une nouvelle définition du viol et pour inscrire l'âge de treize ans comme la limite en deçà de laquelle une relation sexuelle est qualifiée de viol.

En ce qui concerne le harcèlement de rue, cette nouvelle incrimination ne paraît utile que si l'on est en mesure de concilier l'insécurité des personnes commettant de tels actes et une application réaliste. Comme nous l'avons rappelé dans le cadre du groupe de travail, le sentiment de harcèlement provient pour partie d'une absence d'application de dispositions existantes dans le code pénal qui répriment d'ores et déjà les violences verbales, les menaces de violences légères, les violences physiques et l'exhibition. Notre groupe propose de créer une contravention d'outrage sexiste, quand bien même cela relève a priori du domaine réglementaire.

En matière de harcèlement de rue, notre groupe note l'insuffisance d'une politique globale de prévention et notamment d'éducation. L'éducation à la sexualité – vecteur significatif pour aborder les relations entre personnes d'un genre différent et le nécessaire respect des personnes et des sexes avec des jeunes parfois prisonniers d'une image forgée au sein d'un groupe familial ou culturel – n'est parfois plus dispensée. Il nous semble indispensable d'évaluer ce qui est réellement enseigné tout au long de la scolarité, du primaire au lycée, pour soutenir une démarche globale. Nous souhaitons aussi que soit évalué le processus d'accompagnement des victimes en matière de prise en charge intégrale par l'assurance maladie des frais médicaux et paramédicaux que doivent assumer les victimes de violences sexistes et sexuelles.

Si nous émettons un jugement a priori favorable sur ce texte, nous veillerons à ce qu'il soit amélioré et complété.

Profitant de votre présence, madame la secrétaire d'État, je souhaiterais vous poser deux questions.

Quels moyens opérationnels seront consacrés à la mise en oeuvre de ces mesures au sein de la justice, de la police, de l'éducation nationale et du secteur de la santé ? S'agit-il de redéploiements ou de nouveaux moyens ?

En ce qui concerne l'outrage sexiste, l'étude d'impact cite quelques États qui pénalisent des comportements sexistes dans l'espace public, mais ne fournit aucune donnée sur les poursuites engagées et les condamnations prononcées. Disposez-vous d'éléments nous permettant d'évaluer l'efficacité de la législation et les conditions de son effectivité ? De tels éclairages nous aideraient à améliorer et compléter le texte.

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