Intervention de Alexandra Louis

Réunion du mercredi 9 mai 2018 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlexandra Louis, rapporteure :

Nous touchons là à un sujet particulièrement sensible. Comme je l'ai rappelé dans mon propos introductif, l'imprescriptibilité est réservée dans notre droit, depuis 1964, aux crimes contre l'humanité, en raison de leur nature particulière, en ce qu'ils portent atteinte à l'espèce humaine tout entière et nient l'homme. Malgré l'extrême gravité des crimes sexuels, qu'ils soient d'ailleurs commis sur des enfants ou des adultes, ceux-ci ne me paraissent pas de même nature que les crimes contre l'humanité.

Je ferai miens les propos de M. Robert Badinter qui, en 1996, indiquait que « l'imprescriptibilité est née du refus de nos consciences d'accepter que demeurent impunis, après des décennies, les auteurs des crimes qui nient l'humanité, et ne saurait être étendue dans une sorte de mouvement émotionnel à d'autres crimes ». Je rappelle encore que le crime contre l'humanité est une norme internationale d'une nature toute particulière ; il me semble qu'au lendemain de la commémoration du 8 mai 1945, priver le crime contre l'humanité de son ultime degré de gravité serait un signal particulièrement malvenu en ce moment de recueillement.

L'allongement de la durée de prescription de vingt à trente ans représente une avancée considérable pour les victimes de ce type d'infractions. Pour commencer, elle rétablit la spécificité que constitue le fait que la victime soit mineure, spécificité qu'avait gommée la loi du 27 février 2017, puisque le délai de prescription des crimes commis contre des mineurs entrait dans le droit commun et avait été aligné sur celui applicable aux crimes commis contre des personnes majeures.

Il ressort des conclusions de la mission de consensus qu'un délai de vingt ans après la majorité de la victime était insuffisant, dans la mesure où cela équivalait à n'autoriser l'action en justice que jusqu'à l'âge de trente-huit ans, soit à une période de la vie où les victimes supportent généralement d'importantes contraintes familiales. D'où la recommandation formulée par la mission de porter ce délai à trente ans, ce qui permettra en outre de poursuivre des prédateurs sexuels récidivistes qui, des années après les faits, sont encore en contact avec des mineurs. Cette avancée mérite d'être soulignée.

La mission de consensus ne recommande pas l'imprescriptibilité, qui doit rester réservée aux crimes contre l'humanité. Le principe même de la prescription a été déjà acté en 2017, et il ne me paraît pas opportun de revenir sur ce point. Quant au droit britannique de la prescription, il obéit à un autre système que le nôtre.

Je suis donc défavorable à ces amendements ainsi qu'aux amendements de repli, qui ne sont pas cohérents avec l'échelle des prescriptions sur laquelle repose notre droit positif.

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