Intervention de Nicole Belloubet

Séance en hémicycle du lundi 14 mai 2018 à 16h00
Protection des données personnelles — Présentation

Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice :

Monsieur le président, madame la rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, chère Paula Forteza, mesdames, messieurs les députés, en application de l'article 45 de la Constitution, l'Assemblée nationale est aujourd'hui saisie, en lecture définitive, du projet de loi relatif à la protection des données personnelles. Nous l'avons dit à plusieurs reprises, c'est l'aboutissement d'un travail conduit depuis plusieurs années au plan européen et, depuis des mois, dans notre pays. Nous sommes donc à un moment où les échéances européennes arrivent à leur terme et où nous allons devoir appliquer deux textes communautaires protecteurs pour nos concitoyens ; deux textes qui doivent également être perçus comme une occasion favorable pour les acteurs de notre vie économique et sociale, notamment pour nos entreprises.

Je tiens à souligner que cette lecture définitive intervient après un travail parlementaire qui a réellement contribué à l'amélioration du texte. Ce travail aura aussi permis à chacun de prendre la mesure du changement de paradigme que constitue l'entrée en application du règlement général sur la protection des données personnelles – RGPD – et la directive qui l'accompagne. De ce point de vue aussi, le débat dans les deux assemblées aura tenu toutes ses promesses.

Je tiens à saluer particulièrement le travail mené par votre rapporteure, Paula Forteza, qui n'aura ménagé ni son temps ni son énergie pour écouter chacun et tracer des voies de passage entre des aspirations différentes en maintenant à chaque étape de la procédure un niveau d'exigence à la hauteur des enjeux. Ainsi, après de riches échanges, nous aboutissons à une loi qui permet d'affirmer que l'informatique, hier, et le numérique, aujourd'hui, restent « au service de chaque citoyen », tel que le proclame l'article 1er de la loi du 6 janvier 1978.

Après la nouvelle lecture, les positions des deux chambres restent toujours éloignées sur certains points tels que la création d'une dotation spécifique aux collectivités territoriales, l'exonération de sanction pécuniaire de ces mêmes collectivités, la surtransposition de la directive pour certains traitements de données, le fléchage des produits des amendes et des astreintes prononcées par la Commission nationale de l'informatique et des libertés – CNIL – , l'open data des décisions de justice, l'âge du consentement des enfants en ce qui concerne les services de la société de l'information.

Le texte présenté traduit les choix qui ont été principalement ceux de l'Assemblée nationale, sans toutefois que ceux du Sénat n'aient été négligés. Il est une traduction fidèle et ambitieuse du paquet européen de mesures pour une réforme de la protection des données. Vous avez ainsi fait le choix de la cohérence, choix que le Gouvernement tient à saluer.

En effet, le texte issu de l'examen, en nouvelle lecture, de votre assemblée épouse au mieux la logique du règlement européen de protection des données et celle de la directive que nous devons transposer. Il s'agit de responsabiliser les acteurs qui traitent des données à caractère personnel sans surtransposer le droit de l'Union. Il s'agit aussi de maintenir les protections fortes assurées par la CNIL, qui dispose de puissants pouvoirs de sanctions et d'astreinte lorsque cela s'avère nécessaire. En choisissant l'âge de quinze ans pour le consentement des mineurs, vous avez eu à coeur de rapprocher l'exigence de protection des intérêts de l'enfant avec la réalité des pratiques numériques. Enfin, vous maintenez votre volonté de renforcer la capacité de l'opposition parlementaire de saisir la CNIL, par le biais des présidents de groupe, quels qu'ils soient. Je le rappelle, cette disposition avait été écartée par le Sénat en première et en nouvelle lectures.

Le 25 mai prochain, soit dans moins de douze jours, les données personnelles des Français et, au-delà, celles de tous les Européens seront ainsi beaucoup mieux protégées. Les Français ne le réaliseront peut-être pas immédiatement, mais il en ira cependant ainsi. Le Gouvernement ainsi que la CNIL se tiendront au côté de ceux qui mettent en oeuvre ces nouvelles règles. Je sais, et la presse s'en en fait l'écho, que des acteurs économiques – en particulier les petites et moyennes entreprises – , mais aussi des collectivités territoriales ont fait part de réelles préoccupations et d'inquiétudes face à ce changement important de réglementation. Je sais que vous y avez porté une attention soutenue en insistant sans cesse sur la nécessité de porter un regard attentif sur la situation des PME ou sur le renforcement indispensable des mutualisations pour les collectivités locales.

Par l'effet conjugué du règlement européen mais aussi de notre loi de 1978, nos concitoyens bénéficieront de droits nouveaux ou renforcés. Chacun devra assimiler dans de bonnes conditions ce nouveau cadre juridique et, au-delà, cette nouvelle façon de penser la manière dont entreprises et citoyens doivent faire bon usage des données à caractère personnel. Je suis convaincue qu'avec ce texte, nous pourrons fêter dignement les quarante ans de la loi de 1978 en l'inscrivant désormais dans un cadre européen, tout en restant fidèles à son esprit originel.

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