Intervention de Mounir Mahjoubi

Séance en hémicycle du lundi 14 mai 2018 à 16h00
Protection des données personnelles — Texte adopté par l'assemblée nationale en nouvelle lecture

Mounir Mahjoubi, secrétaire d'état chargé du numérique :

Madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés, quel travail parlementaire pour ces amendements identiques !

L'article 17 bis constitue l'exemple achevé de tout ce que peut apporter un débat construit et ouvert, dans cette assemblée, au Sénat, en commission et hors commission, le jour et la nuit ! Il a fait l'objet d'une réflexion intense et d'échanges nourris, notamment grâce à votre impulsion, monsieur Bothorel et madame la rapporteure.

Que prévoit-il ? Il vise à protéger l'utilisateur final d'un terminal informatique – un téléphone, une tablette mais aussi un ordinateur, portable ou fixe – en lui permettant de consentir librement – car l'unique enjeu du texte est le consentement au sens du RGPD – au traitement de ses données personnelles par des applications et des services installés préalablement et par défaut sur cet équipement.

Le second alinéa de l'article 17 bis prévoit trois dérogations possibles à ce consentement, qui peuvent être d'ordre technique, économique ou de sécurité. Les amendements identiques qui viennent d'être présentés visent à supprimer la dérogation d'ordre économique. Selon leurs exposés sommaires, celle-ci ferait paradoxalement obstacle à l'objectif poursuivi par l'article.

Je formulerai deux remarques, l'une sur le fond des amendements et l'autre de portée plus générale. Sur le fond, j'ai la certitude que le responsable de traitement, quelle que soit l'écriture de l'article, doit et devra déterminer la base légale du traitement des données personnelles.

S'il s'agit d'un contrat, l'acceptation de celui-ci pourra être intégrée dans les conditions générales d'utilisation. Si le consentement au sens du RGPD est utilisé comme fondement à un tel traitement, alors un motif économique ne doit pas permettre d'y déroger, avec ou sans sa mention dans le texte.

Cependant, au cours des longs débats sur ce sujet, le Gouvernement a fait preuve à la fois d'ouverture et de prudence : personne aujourd'hui n'est en mesure de déterminer avec certitude les conséquences économiques de la suppression de cette mention.

Nous avons voulu pousser plus loin l'analyse, notamment sur la compatibilité avec le RGPD, et cette démarche paraît inviter à porter un regard très ouvert sur ces amendements. En effet, le considérant 42 du RGPD dispose en particulier que « le consentement ne devrait pas être considéré comme ayant été donné librement si la personne concernée ne dispose pas d'une véritable liberté de choix ou n'est pas en mesure de refuser ou de retirer son consentement sans subir de préjudice ». Ce consentement doit être libre, spécifique, éclairé et univoque. Les articles 6 et 7 du règlement ne permettent pas d'introduire une motivation économique dans l'appréciation du consentement ; cela va donc dans le sens des amendements identiques.

Au-delà, et plus généralement, cet amendement a particulièrement intéressé et il a fait l'objet de nombreux articles dans la presse ; il est fondamental que le vote d'aujourd'hui marque le début d'une vaste réflexion. Nous sommes ici aux confins du droit de la protection des données, du droit des contrats, du droit de la concurrence, du droit de la consommation… et leur articulation est parfois très complexe. Ce dont on parle ici – vous avez cité à ce sujet le Président de la République, et je vous en remercie – c'est bien de la régulation numérique, dans tous les domaines, économique, social, fiscal… Il est aussi bien question de pratiques sociales et des relations entre les différents acteurs économiques que du droit du travail, et en particulier des droits des collaborateurs des plateformes, des données industrielles, du partage des données, du retrait des contenus, de la dépendance et de l'addiction… Le sujet des régulations numériques va nous occuper, tous, longtemps.

Cette question est délicate, et le Gouvernement estime qu'une réflexion approfondie sera nécessaire, comme Mme la rapporteure et M. Bothorel l'ont déjà souligné. Le Gouvernement animera cette discussion, et souhaite que toute la société s'implique, car ces régulations numériques vont influencer tous les aspects de nos vies.

Pour toutes ces raisons, et par cohérence avec la position adoptée par le Gouvernement lors des lectures précédents, nous nous en remettons à la sagesse de l'Assemblée nationale – avec une remarque finale : ces amendements, ce n'est pas la lutte finale contre les plateformes ; ce n'est pas le succès du lobbying d'un acteur français et de son cabinet ; c'est un premier pas dans une réflexion collective.

Le Gouvernement jouera son rôle, comme l'Assemblée, comme le Sénat, qui a montré qu'il avait lui aussi compris toute l'importance de ce sujet. C'est ainsi que nous avancerons.

Sans naïveté ni caricature, le Gouvernement, je le redis, s'en remet à votre sagesse.

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