Intervention de Marlène Schiappa

Séance en hémicycle du lundi 14 mai 2018 à 16h00
Lutte contre les violences sexuelles et sexistes — Présentation

Marlène Schiappa, secrétaire d'état chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes :

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, chère Nicole Belloubet, madame la présidente de la commission des lois, chère Yaël Braun-Pivet, madame la rapporteure, chère Alexandra Louis, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, chère Marie-Pierre Rixain, mesdames et messieurs les députés, donner des chiffres et des pourcentages constitue toujours un exercice délicat en matière de violences sexistes et sexuelles. En effet, le tabou qui pèse sur ce sujet depuis des siècles, la honte que les agresseurs tentent de faire éprouver aux victimes, la crainte de n'être pas crues, ont trop longtemps contraint ces dernières au silence et rendu la société sourde face aux violences sexistes ou sexuelles.

Néanmoins, sur le fondement des chiffres officiels – 10 % de plaintes, 10 % de condamnations – , on pourrait déduire qu'environ 1 % des violeurs seraient en prison. Où seraient donc les 99 % restants ? En liberté ! La quasi-totalité des violeurs en France, en 2018, sont libres – c'est un constat – , de vivre leur vie, d'aller et venir paisiblement de leur domicile à leur lieu de travail, de partir en voyage, de prendre le bus, de participer à des fêtes, d'approcher des enfants. Ce constat est révoltant pour un État de droit, pour une démocratie comme la France, berceau du féminisme philosophique. Ce constat est inacceptable et ne sera plus accepté : c'est le sens de notre projet de loi. Ne seraient-ils que 90 %, 60 % ou 30 %, quand bien même il resterait un seul violeur non condamné, ce serait un violeur de trop !

Les raisons de ce que certains qualifient de « relative impunité » sont multiples : le silence que j'évoquais, l'accès à la plainte, la difficulté lors des procès à aboutir à de véritables condamnations en justice, faute de textes assez clairs et concordant avec les situations réelles et actuelles.

Le silence, les femmes du monde entier ont commencé à lui régler son compte. Au même moment, partout dans le monde, des femmes qui ne se connaissaient pas et ne s'étaient pas concertées ont fait part d'expériences communes, par le biais des réseaux sociaux. Ainsi, elles ont permis à la société tout entière de retirer les oeillères qu'elle portait. On parle de libération de la parole des femmes, et c'est en effet ce qui s'est produit. Mais c'est surtout l'écoute de la société qui s'est enfin libérée, car nous, les femmes, cela fait des générations que nous parlons des agressions sexuelles, des viols, du harcèlement de rue, du harcèlement sexuel au travail, des agresseurs du métro, des atteintes que nous vivons, des injures sexistes, des intimidations, des menaces que vivent nos amies, nos soeurs, nos filles ; cela fait des générations que nous craignons pour nous ou pour elles, chaque jour ou presque en fonction des contextes.

L'accès à la plainte, nous y travaillons. Comme élue chargée de cette question et comme présidente de réseau pendant dix ans, j'ai reçu, de nombreuses fois, de nombreuses femmes qui avaient vécu des violences sexistes et sexuelles sans pour autant avoir déposé de plainte ou en rapportant avoir eu le sentiment, à cette occasion, d'être mal comprises, mal entendues ou mal accueillies.

Le Gouvernement prend cette question à bras-le-corps. Comment ?

En finançant des postes de psychologues ou d'assistants sociaux dans les commissariats – ils sont aujourd'hui près de 1 300 sur l'ensemble du territoire – afin d'accompagner pleinement les citoyennes venant déposer plainte, en plus, bien sûr, de la prise en charge assurée par la police.

En formant les policiers mais aussi les gendarmes et la police municipale, via la mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains, la MIPROF, afin qu'ils puissent être pleinement au fait de tous les ressorts des violences sexistes et sexuelles. Depuis la création de ces programmes, près de 500 000 professionnels ont bénéficié d'une formation dispensée par la MIPROF.

En maintenant toutes les subventions nationales de toutes les associations qui mènent un travail remarquable pour accompagner les femmes jusqu'à la judiciarisation.

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