Intervention de Marie-Pierre Rixain

Séance en hémicycle du lundi 14 mai 2018 à 16h00
Lutte contre les violences sexuelles et sexistes — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Pierre Rixain, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes :

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la secrétaire d'État, madame la présidente de la commission des lois, madame la rapporteure, mes chers collègues, la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes a choisi de faire des violences faites aux femmes une priorité de ses travaux. Après sa mission d'information sur le viol, la délégation a souhaité se saisir du projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes. Ce sujet est en effet une priorité car, qu'elles soient verbales, physiques ou sexuelles, les violences faites aux femmes sont une entrave inacceptable à leur liberté et à leur sécurité, ainsi qu'une atteinte intolérable à leur intégrité et à leur dignité.

Or ces violences restent encore omniprésentes. En France, en 2018, la quasi-totalité des femmes sont confrontées chaque jour à des insultes, des blagues graveleuses, des remarques sexistes, des sifflets ou d'autres agissements qui visent finalement à les rabaisser. En France, en 2018, une femme sur cinq a été confrontée au harcèlement sexuel dans sa vie professionnelle, et une femme sur six a été victime d'au moins une agression sexuelle. En France, chaque année, quelque 225 000 femmes sont victimes de violences physiques ou sexuelles de la part de leur conjoint ou ex-conjoint. En France, en 2018, on estime à près de 100 000 majeurs et de 150 000 mineurs les victimes d'un viol ou d'une tentative de viol : 685 actes de viol sont donc perpétrés chaque jour, mes chers collègues. Ce chiffre vertigineux signifie concrètement que, dans notre pays, au XXIe siècle, à chaque minute qui passe, une femme, un homme ou un enfant est violé.

Ce constat insupportable nous impose de faire progresser notre droit afin d'éradiquer de notre société toute forme de violences sexistes et sexuelles. C'est l'objectif poursuivi par ce projet de loi. C'est pourquoi, au nom de la délégation aux droits des femmes, je tiens à saluer les progrès en passe d'être accomplis. Ce texte marque en effet un point d'arrêt et envoie un signal clair : nous n'acceptons plus ces violences, elles seront combattues sous toutes leurs formes et la réponse pénale sera sans faille.

J'avoue avoir été particulièrement choquée, ces derniers jours, par la propagation de rumeurs et de lectures erronées du texte. En tant que législateurs, nous devons à nos concitoyens des explications précises et nous interdire de céder à de quelconques facilités de langage, dévoyant la portée réelle et le sens des textes que nous examinons. Ne faisons pas dire au projet de loi le contraire de ce qu'il entend faire !

Je veux ici rétablir la réalité des faits juridiques et affirmer, sans aucune ambiguïté, que le viol reste un crime et que nul n'entend le correctionnaliser. Ce n'est ni l'objet ni l'esprit de ce projet de loi.

Pour condamner l'auteur d'un viol, il faut établir l'existence d'une pénétration et d'une violence, d'une contrainte, d'une menace ou d'une surprise. En pratique, il est parfois difficile de démontrer l'existence de ces quatre éléments constitutifs. L'article 2 du projet de loi prend donc en compte cette limite en précisant la définition de la contrainte et de la surprise. Ces précisions sont une garantie apportée à une criminalisation renforcée des violences sexuelles sur mineurs. La contrainte et la surprise seront désormais caractérisées, lorsque les actes seront commis sur un mineur de moins de quinze ans, par le fait que la victime ne dispose pas du discernement suffisant pour y consentir, en raison de son âge. Avec cette précision, il sera plus facile de condamner pour viol, les éléments constitutifs étant plus faciles à appréhender.

Nous agissons donc à trois niveaux : en consolidant la définition des éléments constitutifs du viol pour faciliter les condamnations, en augmentant les peines encourues en cas d'atteinte sexuelle sur un mineur de moins de quinze ans et en obligeant la cour d'assises à envisager une peine pour atteinte sexuelle si elle ne retenait pas la qualification de viol. Il s'agit d'avancées majeures qui montrent bien que ce projet de loi se place résolument du côté des victimes.

Nous ne devrons toutefois pas nous en tenir là. En effet, si ces violences sont destructrices pour les victimes, elles le sont également pour notre société. Quand un homme, une femme ou un enfant est violenté, blessé physiquement ou psychiquement, atteint dans son être même, ce sont en réalité tous nos principes républicains qui sont bafoués. À nous de modifier les mentalités et les comportements par un travail de fond ! À nous de promouvoir résolument et quotidiennement l'égalité entre les femmes et les hommes !

« Le rapport immédiat, naturel, nécessaire de l'homme à l'homme est le rapport de l'homme à la femme », a expliqué Karl Marx. Ces rapports pacifiés, d'égal à égal et libres ne supprimeront pas « les miracles qu'engendre la division des êtres humains en deux catégories séparées : le désir, la possession, l'amour, le rêve, l'aventure », comme le rappelle Simone de Beauvoir en conclusion du Deuxième Sexe. Avec ce projet de loi, nous affirmons solennellement que, non, nous ne voulons plus d'une société de violences, non, nous ne voulons plus d'une société d'agressions, non, ne voulons plus d'une société d'inégalités !

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