Intervention de Emmanuelle Anthoine

Séance en hémicycle du lundi 14 mai 2018 à 21h30
Lutte contre les violences sexuelles et sexistes — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmmanuelle Anthoine :

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la secrétaire d'État, madame la rapporteure, mes chers collègues, je me félicite que l'égalité entre les femmes et les hommes ait été déclarée grande cause du quinquennat. Ce projet de loi va ainsi dans le bon sens et propose certains éléments intéressants – mais il en propose trop peu.

En effet, je m'interroge face au manque d'ambition de ce projet de loi, qui se contente de réagir à deux jurisprudences et à des faits d'actualité, de créer une infraction que 1'on ne pourra pas sanctionner et d'adapter la répression du harcèlement à l'heure numérique. C'est si peu, par comparaison notamment avec la loi du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs !

Cette loi comportait 51 articles, créait ou modifiait 75 articles de loi et traitait tout à la fois du suivi socio-judiciaire dans les affaires de viol, de la protection des mineurs face à la pornographie, de la prévention des offenses sexuelles sur les mineurs, de la récidive, de la protection en milieu scolaire et de la pédopornographie – la liste des horreurs traitées par cette seule loi est encore longue.

Comment, dès lors, se satisfaire aujourd'hui d'un texte si modeste, tant les enjeux sont grands ? Comment se satisfaire de si peu, alors que chaque année, 225 000 femmes sont victimes de violences physiques etou sexuelles de la part de leur conjoint, qu'en 2016, 123 femmes ont été tuées par leur compagnon, que 84 000 femmes sont victimes de viol chaque année ? Alors qu'on estime qu'en France, 53 000 femmes ont subi des mutilations sexuelles et que, parmi elles, neuf sur dix ont été excisées avant l'âge de dix ans ? Alors que 100 % des utilisatrices des transports en commun ont subi au moins une fois des violences sexistes et sexuelles ? Comment se satisfaire de si peu, alors que 20 % des femmes actives sont confrontées à une situation de harcèlement sexuel au cours de leur vie professionnelle et qu'une fille sur cinq a reçu des insultes en ligne à propos de son apparence physique ? Face à ces chiffres de l'horreur, on ne peut pas, madame la garde des sceaux, madame la secrétaire d'État, se contenter de quatre articles dans un projet de loi.

C'est pour répondre à ces enjeux non traités qu'avec mes collègues du groupe Les Républicains, nous avons déposé de nombreux amendements que nous vous demandons de soutenir. Ils portent notamment sur 1a libération de la parole des victimes, la protection des femmes dans les transports, la protection des mineures face à l'excision, la criminalisation de l'inceste, l'extension du fichier national des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes, la lutte contre les mariages forcés et la répression des atteintes sexuelles sur mineurs – autant de sujets qui ne sont pas abordés par le projet de loi.

Pourquoi, par ailleurs, ne pas présenter devant l'Assemblée nationale la proposition de loi adoptée le 27 mars dernier par le Sénat, qui, tout en proposant les dispositions qui figurent dans le projet de loi, défend également la facilitation du dépôt de plainte, le renforcement de la sensibilisation aux violences sexuelles, le délit de non-dénonciation des mauvais traitements subis par les mineurs, et tant d'autres dispositions qui proposent une réelle vision englobante du sujet, en contraste avec la vision parcellaire de ce projet de loi ?

J'en viens à me demander si la grande cause du quinquennat en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes ne se limiterait pas à un simple habillage, à une simple communication politicienne. Elle apparaît comme une revendication non suivie d'effet, tant ce projet de loi se révèle modeste par comparaison avec les objectifs poursuivis. C'est pour cette raison que nos collègues de la commission des lois l'ont déjà fortement amendé pour l'étoffer.

Alors, madame la garde des sceaux, madame la secrétaire d'État, quand allez-vous porter une politique ambitieuse de lutte contre les violences sexistes et sexuelles ? Quand allez-vous sortir de la communication et passer à l'action devant une si grande urgence ?

Nous ne pouvons que soutenir cette loi, mais aussi déplorer son manque d'ambition. Nous vous invitons donc à soutenir nos amendements, qui permettront d'enrichir un texte qui en a grand besoin.

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