Intervention de Marlène Schiappa

Séance en hémicycle du lundi 14 mai 2018 à 21h30
Lutte contre les violences sexuelles et sexistes — Article 1er

Marlène Schiappa, secrétaire d'état chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes :

L'objectif poursuivi par le Gouvernement est de mieux prendre en considération la difficulté des victimes à révéler les faits, difficulté d'autant plus importante que la victime est jeune et d'autant plus forte lorsque les crimes ont été commis dans la sphère familiale ou par l'entourage proche du mineur.

Cette évolution correspond également à une meilleure compréhension des mécanismes de l'amnésie traumatique, ainsi qu'au progrès des techniques de recueil, de conservation et d'exploitation des preuves. L'allongement à trente ans du délai de prescription pourra donc donner aux victimes le temps qui leur est nécessaire avant de judiciariser les violences subies pour entamer le processus de reconstruction que nous avons évoqué.

Il n'est évidemment pas question de forcer les victimes à judiciariser les violences subies. Il s'agit simplement de leur donner la possibilité de le faire si elles en éprouvent la volonté. L'intérêt de la victime, dans cette disposition, est vraiment notre priorité.

La dernière réforme de la prescription est récente, puisque la loi Fenech-Tourret remonte au 27 février 2017. Elle a eu pour effet de porter à vingt ans le délai de prescription pour tous les crimes de droit commun, y compris les crimes sexuels sur mineurs. Nous souhaitons rétablir un délai de prescription dérogatoire de dix ans supplémentaires pour tous les crimes commis sur mineur vulnérable au regard de la particulière gravité des faits. Le projet de loi vient donc corriger l'anomalie qui existe depuis la réforme de 2017 dans la hiérarchie des peines, en portant le délai de prescription à trente ans, sur l'avis de la mission de consensus Flament-Calmettes. Ce délai dérogatoire existe d'ores et déjà pour d'autres crimes, comme les actes de terrorisme ou le trafic de stupéfiants.

Il existe une autre raison que l'amnésie traumatique, pour laquelle il est important d'allonger le délai de prescription : lorsqu'on a été victime de violences sexuelles durant son enfance ou son adolescence, on ne trouve pas la force, d'un coup, parce qu'on devient majeur, de judiciariser les violences subies. Même lorsqu'on se souvient très bien des violences sexuelles qu'on a subies, il faut souvent se mettre à travailler, s'insérer dans la société, avoir commencé à se reconstruire, voire à construire une vie personnelle, avant d'avoir la force matérielle et psychologique d'affronter la judiciarisation des crimes sexuels.

C'est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement de suppression de l'article.

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