Intervention de Jean-Félix Acquaviva

Séance en hémicycle du mardi 15 mai 2018 à 9h30
Questions orales sans débat — Administration décentralisée de l'État et transferts de compétences

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Félix Acquaviva :

Madame la ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur, les rapports de différents organismes et institutions, et non des moindres – dont la Cour des comptes, France Stratégie, ce Parlement lui-même – , sont unanimes : l'État peine à tirer toutes les conséquences de la décentralisation de ses compétences dans plusieurs domaines vers les collectivités territoriales. Un rapport de la Cour des comptes de décembre 2017 sur les services déconcentrés de l'État va même plus loin en affirmant – je cite – que l'État « persiste à vouloir conserver une présence et un rôle » dans des domaines pourtant transférés. Et ce, alors même qu'il serait plus utile de concentrer les moyens et les ressources humaines sur des missions régaliennes ou prioritaires de l'État telles que la sécurité ou la justice. Il s'agit là, permettez-moi, madame la ministre, d'une anomalie qui en dit long sur l'état d'esprit et l'idéologie qui règnent toujours dans les hautes instances de ce pays. Les exemples de doublons, voire de freins avérés, sont légion dans toutes les régions. Ainsi, pourquoi maintenir encore des prérogatives de l'État dans le domaine de la formation professionnelle alors que cette compétence est exercée de manière décentralisée par les régions ? Mais c'est également le cas en matière de sport, de tourisme ou encore d'aménagement du territoire, par exemple avec l'animation des contrats de ruralité.

S'agissant plus précisément de la Corse – mais je pourrais également parler de l'outre-mer – , le statut de 2002 n'est, à bien des égards, pas respecté ; l'a-t-il d'ailleurs jamais été ? L'actualité nous le prouve chaque jour. Le dernier fait en date renvoie à l'enquête de l'Inspection générale des finances, diligentée soigneusement par le Président de la République pour faire un état des lieux de la situation économique de la Corse alors que la collectivité a élaboré son schéma régional de développement économique. Nous ne pouvons pas accepter cette méthode où l'État veut être seul au centre du jeu. Ou encore, le Président de la République a annoncé un plan d'accompagnement de la Corse pour « forger l'avenir de l'île dans le bassin méditerranéen ». Nous souscrivons totalement à cette ambition puisqu'il s'agit de la nôtre ! Mais là où le bât blesse, c'est que l'élaboration de ce plan sera pilotée par le haut, par le préfet de Corse, balayant d'un revers de main toutes les stratégies et contenus de coopération avec nos voisins méditerranéens – notamment les Baléares et la Sardaigne – , lancés depuis trois ans par l'actuelle majorité territoriale sur des thèmes très précis. C'est comme si l'on voulait restaurer une forme de tutelle ; c'est faire fi, une fois de plus, de la démocratie et du vote des insulaires qui ont élu des représentants pour qu'ils décident, eux, sans passer par les services déconcentrés, de ce qui est le mieux pour leur développement, en concertation bien évidemment avec les acteurs économiques et sociaux de l'île et avec l'État. C'est à la Corse de parler à l'État et non le contraire. « Tout ce qui est fait pour moi, sans moi, est fait contre moi », disait Gandhi, puis à sa suite Nelson Mandela ; cette phrase a d'ailleurs été reprise par des députés de La République en marche à propos du plan des banlieues pour exprimer le souhait que les populations soient associées à la programmation plutôt qu'elles ne la subissent par le haut. C'est pourtant ce qui se passe en Corse comme dans d'autres territoires.

Madame la ministre, ce Gouvernement va-t-il enfin respecter la démocratie territoriale ? Va-t-il être celui qui ira au bout du processus de décentralisation à travers une nouvelle ambition ? Ces ambiguïtés et ces concurrences entre État et collectivités nuisent au développement des territoires et des populations, et tout particulièrement de la Corse. Nous plaidons pour une clarification des compétences et des pouvoirs décisionnels, ainsi que pour une définition claire de ce qui doit être transféré aux collectivités, sans oublier les ressources fiscales afférentes. Autrement dit, c'est un vrai statut d'autonomie dans la République, pour la Corse notamment, que nous ne cessons de réclamer en mesurant bien évidemment toute la charge que nous confère cette responsabilité. Nous l'avons assumée depuis trois ans en réglant le problème du transport maritime, qui était mal géré par l'État depuis quarante ans, ou en prenant à bras-le-corps la question des déchets. Ne nous laissez pas croire que, pour vous, la décentralisation et la notion d'autonomie feraient partie de l'ancien monde !

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